TEMOIGNAGE
COMPOSTELLE
Un témoignage de Joseph Kohl
Préface
Pourquoi ce chemin ? Je ne puis dire à quel moment l'idée m'est venue. Je me souviens vaguement d'un petit article dans un magazine que j'ai feuilleté dans la salle d'attente d'un médecin. Cet article m'a profondément touché et reste gravé dans ma tête. A l'époque je n'avais pas encore franchi le seuil des 30 ans. Le sujet ne me quittait plus et la volonté de faire ce chemin m'a envahit.
Je commence donc à rassembler toutes les informations possibles sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle. Le chemin m'accable de plus en plus, je ne pense que chemin, je ne lis que chemin, je ne parle que chemin et enfin à bout de ses nerfs ma femme m'accorde la faveur de partir au printemps 2008.
Au travail on me permet généreusement de cumuler le congé restant de 2007 avec celui de 2008 pour que je puisse m'absenter pendant 7 semaines. Le 29 avril 2008, en cet anniversaire de notre mariage je pars donc pour ce fameux chemin de Saint Jacques de Compostelle. Après les 7 semaines de mon périple je me sens libéré de tout ballaste superflu et à force de m'être habitué à marcher 25 km en moyenne par jour je décide de faire aussi le chemin de mon domicile jusqu'à Saint-Jean-Pied-de-Port dans les Pyrénées où j'ai débuté mon pèlerinage.
Je ne puis me permettre de prendre chaque année plusieurs semaines de congé consécutives. Je prendrai donc l'équivalent de 15 jours, soit environ 300 km par an.
En 2009, en guise de préparation j'aborde le chemin de Compostelle luxembourgeois tout au nord de Luxembourg (Pays des 3 frontières, Belgique, Allemagne et Luxembourg) et qui mène à Schengen. Quelques semaines plus tard et bien entraîné je prends la route à Schengen et en passant par Metz et Nancy je joins Domrémy-la-Pucelle, village natal de Jeanne d'Arc.
En 2010, Jeanne d'Arc me voit prendre mon chemin annuel qui passe par la Champagne et la Bourgogne pour relier Vézelay, petite ville médiévale qui a donné naissance au chemin dit « de Vézelay ».
En 2011 mon chemin débute sur les pavés médiévaux de Vézelay, ici on peut choisir ou bien par Bourges ou bien par Nevers. J'ai opté pour Bourges. Après quelques jours je traverse la Loire puis Bourges pour arriver à La Souterraine.
En 2012 je reprends la route à La Souterraine, passe par Limoges et Périgueux pour joindre Bergerac.
Peu après mon retour ma vie est en danger et après une opération d'urgence avec quelques conséquences très graves je suis cloué à la maison.
En 2013 mon état de santé ne me laisse pas encore partir. Néanmoins j'ai le temps de me reconstruire peu à peu. Je commence par des petites promenades de 3 à 5 km que j'augmente au fur et à mesure. Fin septembre 2014 je suis enfin rétabli et je peux renouer avec mon chemin en attaquant les 280 km restants entre Bergerac et les Pyrénées.
Voilà en résumé mon périple jusqu'au bout du monde, Finisterre
Conclusions :
En emportant l'essentiel sur son dos on se désencombre de l'inutile et du superflu. On réapprend à avoir patience et la politique des petits pas vous laisse le temps d'apprécier le calme, la paix et la beauté du chemin. Les petits gestes simples et quotidiens de boire, de manger et de se laver reprennent leur importance. L'entraide entre pèlerins est exemplaire et sociable et les rencontres avec les habitants des villages traversés sont enrichissants. Parfois on tisse des liens d'amitiés qui durent. Quand je suis parti en 2008 je n'étais point pieu, je n'avais aucun motif religieux ce qui n'a guère changé aujourd'hui. Mais mon pèlerinage m'a renouvelé et enrichi.
On ne prend pas le chemin de Saint Jacques, c'est lui qui vous prend.
Sommaire
Chapitre 1 : 2008 De Saint-Jean-Pied-de-Port à Finisterre
Chapitre 2 : 2009 De Schengen à Domrémy-la-Pucelle
Chapitre 3 : 2010 De Domrémy-la-Pucelle à Vézelay
Chapitre 4 : 2011 De Vézelay à La Souterraine
Chapitre 5 : 2012 De La Souterraine à Bergerac
Chapitre 6 : 2014 De Sainte-Foy-la-Grande à Saint-Jean-Pied-de-Port
Chapitre
1
De Saint-Jean-Pied-de-Port à Finisterre
EL CAMINO FRANCES
2008
Mon rêve va se réaliser. Je ne sais pas trop pourquoi je pars. Mais je sais que cette envie de partir est depuis longtemps profondément inscrite en moi. Même si certains ne croient pas en moi, je vais le faire. Il faut y aller maintenant. Assez parlé comme ça.
Le grand jour est enfin arrivé. Mon épouse m'accompagne en voiture jusqu'à l'aéroport de Francfort-Hahn. Tout se passe bien au Check-In. Après 2 heures de vol plein de rêveries nous atterrissons à Biarritz. Rien que pour ma machine je constate environ 50 pèlerins (individus maniant des sacs à dos). Mon Dieu, je ne veux pas savoir à combien nous serons quand tous les autres nous auront rejoint. Au tapis roulant de notre vol arrivent déjà les 6 premiers sacs à dos. Quelle rapidité ils ont ici ! Mais hélas le tapis s'arrête soudainement et plus rien ne se passe. Les voyageurs restent le regard fixé sur le tapis. A côté un deuxième tapis se met en marche et des sacs à dos et autres bagages tournent en rond sans que personne ne s'en rende compte pendant de longues minutes. Enfin un employé de l'aéroport nous envoie vers cet autre tapis. Les numéros des vols indiqués en haut des tapis roulants ne correspondent pas à ceux indiqués dans les souterrains de l'aérogare où les ouvriers se déploient au tri des bagages. Je murmure « typiquement français ». Je prends mon sac et je m'en vais voir s'il y a un bus à destination de Bayonne. Selon le plan d'horaire affiché c'est presque impossible de se rendre à cette ville jumelle sur l'autre rive de l'Adour. Je me résigne et prends un taxi (vive le pèlerinage à 20 €).
Le bus pour St. Jean-Pied-de-Port, ma prochaine destination et début du camino part dans 2 bonnes heures. Temps que j'utilise à la préparation mentale de ce qui m'attend. Il fait chaud et je choisis une belle terrasse au calme et à l'ombre de grands platanes. Un petit noir et une pression s.v.p. Le calme ne dure pas. Plusieurs pèlerins pliant sous leurs bagages et sous la chaleur s'avancent à pied par le pont (sacrés puristes de pèlerins) et me voient à l'ombre sur « ma » terrasse. La terrasse s'encombre vite et par manque de places 3 dames (pèlerines ???) s'installent à ma table. En tant que pèlerins nous nous tutoyons immédiatement. Nous nous présentons :
Maria, Tina et Uschi from Germany. Quand je me présente en tant que Joseph, Maria se lève, me fait la bise et dit : « C'est un début comme il le faut : Maria et Joseph, des vrais noms de saints ».Tout le monde rigole. Le temps passe vite et ensemble nous nous dirigeons vers la gare où nous prenons le train pour St. Jean-Pied-de-Port. Le train affiche le grand complet et quelqu'un (mâle ou femelle ?) s'installe près de moi. C'est une lesbienne. Elle vit avec « sa femme » et un petit garçon de 4 ans à Bad Homburg, près de Francfort. Elle tient le rôle de l'homme et ressemble fort à un tel.
Le paysage devient de plus en plus beau et bientôt les Pyrénées s'approchent. Que c'est haut, c'est là où je dois grimper ? Incroyable. La montagne énorme devant moi m'impressionne et me fait peur. D'autant plus que la première étape comporte 27 km sans bistrot ni épicerie. Rien que du paysage pour se saturer et se dilater.
Arrivé à Saint Jean-Pied-de-Port les pèlerins se précipitent vers le bureau d'accueil pour recevoir le crédencial, le premier tampon et le mollusque. Le mollusque ne sert pas à grand-chose sauf qu'on distingue de loin le pèlerin du banal touriste. Après une collation on retourne au bureau pour prendre des informations supplémentaires sur le chemin, car lors de notre premier passage il y avait trop de monde. Un vieux routinier qui semble être le préposé du bureau nous demande jusqu'où nous aurions l'intention d'aller le premier jour. Je lui réponds que nous irons jusqu'à Hountto. Quoi ??? Seulement 5 km - Vous n'êtes pas des vieux, vous devez aller jusqu'à Roncesvalles, il y a des gens de 80 ans qui le font encore, allez-y !
Un peu perplexe, j'ai dit : ah bon !! Mais oui et en plus il fera beau. L'employé nous donne une feuille avec toutes les adresses des auberges et une seconde feuille avec les profils des étapes. Avec un : « c'est parti et buen camino » il nous congédie.
Uschi, Nadine et moi partageons une chambre à 6 lits avec 2 autres pèlerins dans une maison basque. Notre hôtesse est très sympa, mais la qualité et la propreté laissent à désirer. 15 € par personne avec petit-déjeuner. Je ne ferme pas un œil de la nuit car un espagnol ronfle comme un gros ours bien nourri des Pyrénées.
1) Saint-Jean-Pied-de-Port (F) - Roncesvalles (E) (27 km)
Le lendemain après le petit déjeuner on attaque la montagne. La « Route Napoléon » monte jusqu'à 1420 m. Le chemin de St. Jacques tant attendu se détale devant moi. La pente est très raide. Après Hountto, là où j'ai voulu m'arrêter à l'origine on décide de continuer notre chemin. Le soleil est au rendez-vous et un paysage merveilleux s'offre à nous.
Une montagne verte, un peu comme l'Irlande avec beaucoup d'oiseaux et des chevaux sauvages comme en Camargue. Bientôt on passe la frontière franco-espagnole et nous entrons en Province de Navarre. Après une telle montée on a droit à une aussi belle descente. De loin nous voyons déjà le monastère de Roncesvalles (1066 m) la fin de notre première étape. Mais la descente est tellement dure que Nadine a déjà des ampoules. En cours de route j'ai remarqué qu'elle n'a pas ses propres affaires elle a tout prêté chez des copines, même les chaussures. Je présume qu'elle a attaqué cette entreprise à cause de certaines émissions télévisées montrant des acteurs connus en Allemagne qui font le chemin à la légère toujours accompagnés de caméras et surtout et invisibles pour les caméras de camionnettes pour le dépannage.
Arrivé au monastère de Roncesvalles , qui sert aussi de refuge, il ne reste plus une place à dormir. Les 2 pensions adjacentes sont complètes. Quelle déception. La gérante d'une des 2 pensions réagit vite et téléphone à un hôtel à 6 km d'ici à Espinal. Quelle gentillesse ! Un taxi nous y emmène. Uschi et Nadine prennent une chambre double et moi l'individuelle. 50 € sans petit déjeuner. Luxueux pour un pauvre pèlerin ! D'autres ne payent que 30€ pour la même prestation. Après mes réclamations on m' explique que la chambre ne coûte effectivement que 30 € mais que la gérante si aimable de la pension à Roncesvalles encaisse une provision de 20 € (semble qu'il est cher le téléphone dans les Pyrénées !!!) pour tout client qu'elle procure. C'est à prendre ou à laisser. Comme le lit est douillet !
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2) Roncesvalles - Zubiri (22,8 km)
01 mai : Suite au chaos de hier soir nous avons oublié de nous faire tamponner le crédencial à Roncesvalles. Ne pouvant renoncer à ce tampon puisque il représente la preuve d'avoir traversé les Pyrénées, nous décidons d'y retourner. Non seulement à cause du tampon mais aussi parce que la 2e étape commence bien là. Nous ne voulons pas tricher. La journée s'annonce mal. Déjà notre taxi arrive avec une heure de retard, ensuite un bouchon causé par les festivités du 1er mai nous retarde sur la route qui mène à Roncesvalles. Enfin en possession de notre si cher tampon nous entamons notre étape vers
11 heures ce qui s'avère fatal pour aujourd'hui. Le 1er mai tombant sur un jeudi, bon nombre d'espagnols (tous et encore plus !!!) ont profité de l'occasion pour faire le pont. Arrivé à Zubiri tous les lits, y compris les baignoires dans toutes les auberges sont pris. Heureusement il y a le « Hall Deportivo » où une centaine de pèlerins ont étalé leurs matelas. Zubiri est basque et signifie « lieu près du pont ».
Ce pont est surnommé « Puente de la rabia », pont de la rage. La légende veut que des animaux atteints de la maladie guérissent quand ils traversent le pont à 3 reprises.
3) Zubiri - Trinidad de Arre (16,6 km)
02 mai : Nous partons à 7 hrs. Le chemin à travers des collines douces est facile. Trinidad de Arre avec ses cascades est un jolie petit endroit, plein de motifs attrayants pour les photographes amateurs que nous sommes.
Près du vieux pont il y a un couvent où nous dénichons un lit confortable dans une grande salle. Un beau jardin d'intérieur garni de quelques chaises et tables invite les pèlerins au repos. Mais d'abord ils s'occupent de leur linge. Une telle occasion pour tout faire sécher au vent est rare. Le linge danse dans le vent sur les cordes à linge, dans les branches d'arbres et à tout autre endroit s'y prêtant, comme des centaines de petits voiliers ou des petits drapeaux de prière tibétaine. Notre hôte nous montre ses oiseaux qui sifflent et chantent dans leurs cages. Une journée merveilleuse pleine de nouvelles et belles impressions touche à sa fin. Heureusement nous étions arrivés assez tôt pour profiter pleinement de ce jardin paradisiaque.
4) Trinidad de Arre - Cizur Menor (9,6 km)
03 mai : Je remercie l'hôte et Dieu pour le lit, la douche, le petit déjeuner et toute cette sympathie et cet amour qui m'entourent. Je souhaite un « buen camino » à tout le monde et c'est parti pour l'étape suivante. Le soleil brille et il fait déjà 22°C à 09 heures. De loin on voit Pampelune. Beaucoup de ses habitants parlent le français. Heureusement, car Uschi a cassé ses lunettes en les utilisant comme siège. Elle ne voit plus beaucoup de cette ville qui me plaît tant, une ville vraiment très espagnole. Elle veut acheter des lentilles d'un mois et moi, en tant que son traducteur accrédité, je dois tout traduire de l'allemand en français et vice versa pour l'opticien. Après nous visitons la « Piazza Citadella » avec toutes ses terrasses. Hélas je ne vois aucun taureau. Pampelune est réputé pour les fêtes de la San Fermin où les coureurs tentent de dévaler au plus près des bêtes, au risque de chuter ou de se faire encorner. Une petite pause accompagné d'un café solo y una Cola light por favor. Nous poursuivons notre chemin pour arriver vers 12 :30 hrs à Cizur Menor. L'auberge privée « Roncal » est encore fermée. Mais ils sont déjà 18 à attendre son ouverture. Je les appelle « Schnappis » parce qu'ils piquent tous les lits avant même que les pèlerins ne soient arrivés.
Il y a une pancarte avec l'inscription « aperto a 14 ore ».
3 femmes allemandes (Sarroises) ne veulent que le tampon et repartent aussitôt après l'ouverture de l'auberge à 13 hrs. L'hôtesse a probablement pitié avec nous autres braves pèlerins. On ne l'aurait pas crû de l'extérieur, mais l'auberge est très belle avec en prime un grand jardin avec des chaises, des tables, un petit étang peuplé de tortues et entouré de palmiers et autres plantes exotiques. Il y a un distributeur de café et de boissons rafraîchissantes. 7€ pour la nuit (un cadeau). Et puis il y a l'hôtesse qui s'occupe de tout, même des ampoules et autres blessures, une bonne âme quoi.
5) Cizur Menor - Obaños (16.4 km)
04 mai : Je quitte l'auberge en dernier, tellement je m'y plais.
Dès le départ une belle montée en flèche jusqu'au monument « Ecologic » tout en fer. Des éoliennes encore et encore. Puis une descente assez pénible. Un petit détour de 3,5 km pour admirer l'église romane des Templiers d'Eunate en forme octogonale.
Il fait chaud, très chaud même, mais ça vaut la peine. J'ôte mes chaussures pour la contourner 5 fois comme l'exige une vieille tradition. Mes pieds nus tapent sur les vieux pavés délavés, posés il y a plus de 500 ans et je me sens, non je suis, le pèlerin éternel.
Je sens des forces mystiques m'envahir et me recharger d'une énergie prêt à reculer des montagnes. Puis vient un bus déchargeant sa cargaison de visiteurs de St. Jacques en provenance de l'Allemagne. Fini le calme divin. Je remets mes chaussures et repart.
Il reste encore quelques km jusqu'à l'auberge d'Obaños. Une salle de ronfleurs pour environ 70 personnes m'attend. Dans le lit voisin une institutrice de Berlin qui a travaillé pendant quelques années à Wellen(D) et qui à fait ses courses à Grevenmacher (L) mon village (ah non - ma ville ) natal. Une bonne base de discussion alors. Elle me semble un peu folle , très (trop) chic, a de bonnes manières, en fait une institutrice de pure souche. Elle a 3 mois pour faire le chemin et veut visiter à fond toutes les églises et les musées longeant le chemin de Santiago.
D'habitude le premier contact entre pèlerins se fait en anglais.
Un de ses débuts de conversation à fait rire toute la salle :
1er pèlerin « where are you from ? »
2ième pèlerin : »I'm from Bayern »
1er pèlerin « what's your name ? »
2ième pèlerin « my name is Sepp ».
Nous en rigolions encore les jours suivants.
Menu du pèlerin ce soir pour 9€ all inclusive - assez correct.
6) Obaños - Estella (25,3 km)
05 mai : Nous devons aller chercher « notre fils ». Notre fils, c'est Kevin, un allemand de Hagen âgé de 23 ans. Il a fait 50 km le premier jour en passant par les Pyrénées sans avoir assez d'eau. Uschi lui avait donnée son eau et moi je lui avais offert mon Cola-light puis il était reparti seul tout en prenant note du N° du portable d'Uschi. Le lendemain déjà il avait fait un appel pour nous remercier de lui avoir sauvé la vie et en même temps il nous avait demandé s'il pouvait marcher avec nous pendant quelques jours. Il souffrait d'un coup de déprime et voulait de la compagnie. Quand nous arrivons à Estella il nous attend déjà depuis 3 heures sous un soleil frappant. Il est heureux d'avoir enfin quelqu'un à qui parler.
Une auberge ecclésiastique donataire nous ouvre ses portes. En plus on y parle français. Kevin a déjà obtenue l'autorisation d'y dormir une deuxième nuit puisqu'il nous attendait. Normalement on n'a pas le droit de séjourner deux nuits de suite dans les auberges des pèlerins mais pour cause de maladie ou autres cas graves on fait exception.
Après la douche, promenade dans la ville vivante avec ses jolies bâtiments, une bonne atmosphère en général, des terrasses sur la piazza à l'ombre. Estella était et est une ville importante sur le chemin. Orné de monuments de style roman Estella était surnommé « Estella la Bella » par les pèlerins d'antan.
A 20 :00 hrs menu du pèlerin, très mauvais, très peu, vin et pain en extra. Demain je ne prendrai pas de menu de pèlerin !
7) Estella - Los Arcos (22,4 km)
06 mai : J'ai donné 5€ pour la nuit et nous sommes partis à 7 hrs. Nous prenons le petit déjeuner dans une station à l'extérieur de la ville, Café con leche y un bocadillo por favor. Après 1,2 km déjà la fameuse Bodega d'Irache où on peut déguster gratuitement du vin rouge.
2 robinets sortent du mur, à gauche le vin et à droite l'eau. C'est un peu tôt mais par principe je prends un demi-gobelet de vin et puis de l'eau. Je fais la connaissance de Jean, un Canadien, un Québécois de Montréal, enfin une ville pas loin de Montréal qui s'appelle Lorraine. Il semble que toutes les rues dans cette ville auraient des noms lorrains. Jean a mal aux genoux .
Je l'ignore encore, mais c'est Jean qui sera mon compagnon de voyage dès maintenant.
A Azqueta un couple de retraités d'Allemagne fait des photos professionnelles des particularités du chemin (des détails qui normalement ne sont pas évoqués dans les livres). L'homme a déjà écrit plus de 60 livres.
Les dix derniers kilomètres aujourd'hui offrent un paysage d'une beauté extraordinaire mais quand même un peu démoralisant.
Arrivé à Los Arcos l'auberge « Casa Austria », très bien entretenue et presque luxueuse nous reçoit. Une hôtesse originaire de Viennes qui a fait le chemin depuis Viennes à Santiago. Elle s'occupe en bénévolat des pèlerins pendant son congé annuel. En plus elle propose des massages aux pèlerins les plus épuisés.
8) Los Arcos - Viana (19,0 km)
07 mai : Au petit déjeuner, le jeune japonais à côté de moi avale une baguette nue entière. Il vient de Tokyo. Je lui dis que j'habite à Limpach, eh bien il voulait le savoir. Holas y buen camino à tous et à toutes. Il pleuvait pour la première fois sur le chemin depuis mon départ mais heureusement seulement sur les 2 derniers km . Une grande auberge (Andrés Muñoz) avec 4 lits superposés à trois éléments par chambre. D'ailleurs les seuls lits à trois étages sur le chemin. Je prends le lit supérieur, le plus proche du ciel. Aujourd'hui j'avais comme tout le monde d'ailleurs l'impression de ne pas disposer d'assez d'endurance, mais non, c'était simplement parce que le profil de l'étape était un peu spécial. Un chemin pierreux et des montées et descentes me forçaient de changer en permanence d'allure et de tactique, vraiment démoralisant. On y était déjà vers 13 hrs. Après une douche bien méritée je fais la lessive, je m'y habitue. Je fais le tour de la petite ville mais tout est fermé jusqu'à 17.00 hrs sauf quelques bars . C'est l'heure de la sieste. Je cherche un salon de coiffure et m' installe dans une chaise pour attendre mon tour. J'ai donc le loisir pour admirer les coupes de mes prédécesseurs. Discrètement je m'enfuis et reporte « l'entreprise coiffeur » à un autre jour.
Le menu du pèlerin est servi en face de l'auberge dans un hôtel 3 étoiles - correct, pas plus. Le menu du pèlerin consiste, à quelques exceptions près, d'une assiette avec une menue portion de quelque chose d'indéfinissable ayant un mauvais goût.
A notre sortie il pleut des torrents, heureusement l'auberge n'est qu'à 50 mètres.
9) Viana - Navarrete (22,6 km)
08 mai : Le jour s'annonce avec des gros nuages noirs et j'adapte ma tenue à la pluie. Pourtant le temps s'améliore vite. Je refais mon sac à dos et change de vêtements. Le chemin me plaît aujourd'hui. Il est presque plat et peu exigeant. Juste avant Logroño nous rencontrons enfin la très célèbre Mme Maria (la fille de Doña Felisa) dans sa petite maisonnette. Elle prépare du café et des tostados pour les pèlerins. C'est gratuit si on veut mais tout le monde donne un petit quelque chose pour sauvegarder cette belle tradition. Elle a aussi un bureau « open air » en été pour tamponner les crédencials. Nous faisons une photo avec Maria et continuons tranquillement vers Logroño.
Une ville de 100.000 habitants avec un niveau de vie très élevé, une ville où on aimerait rester. Logroño est la capitale de la région de La Rioja, mais historiquement insignifiant. Vu l'heure, nous décidons de continuer notre chemin jusqu'à Navarrete. Nous passons un joli parc, une belle forêt, un lac de retenue le Pantano de la Grajera. Le tout est une zone d'excursion et de récréation pour les citadins. Encore une montée et nous arrivons à Navarrete. Devant l'auberge municipale il y la queue (completo) donc nous continuons. A 50 mètres de là un habitant nous propose une chambre tout confort. Il nous invite à voir d'abord la chambre. 48 € pour 3 personnes pour une chambre à 3 lits individuels, c'est d'accord.
3€ pour la lessive, 3€ pour le séchoir, 3€ pour le petit déjeuner. Super, on reste. Entretemps il se met à pleuvoir et je retourne à l'auberge municipale pour recevoir le tampon. Puis je m'installe au bar à côté et commande una cerveza y un bocadillo con chorizzo por favor. Uschi et Kevin vont à la chambre pour se reposer tandis que je me mets à la recherche d'un autre bar (je ne suis pas ici pour dormir quand même) où je rencontre un australien de Sidney qui a un drôle d'accent. L'anglais australien est un peu... étranger pour moi, il faut faire attention.
Le soir au resto la surprise :- Minestra,- poivrons farcis de bacalao, -tarte , le tout pour 10€, et c'est bon, réellement bon !
2 ressortissantes de la Nouvelle Zélande me racontent des histoires vraies et moins vraies de leur pays. Etonnant : elles savent ce que c'est le Luxembourg.
Une belle mais longue journée se termine dans des draps bien propres.
10) Navarrete - Najerá (18,0 km)
09/05/08 : La journée s'annonce bien. Nous adaptons notre tenue à un temps pluvieux. Je pense à ma Bretagne tant aimée car il pleut toute la journée. Rien de méchant, un soi-disant crachin breton. Après quelques kilomètres Uschi tombe en déprime, la pluie, la boue, un chemin pas facile du tout et son fils de 26 ans qui n'a toujours pas appelé pour soutenir sa maman ou au moins demander si tout allait bien. Nous faisons la pause dans une ? (pour l'instant je dirais une ruche d'abeilles). Tout à coup le téléphone d'Uschi sonne.
C'est la « Deutsche Telekom » qui propose un nouvel abonnement. Grâce à eux, la journée est sauvée. Bien que ce n'est que la Telekom qui pense à Uschi et non son fils elle reprend courage. Nous reprenons la route tout en rigolant de cet appel inattendu. Nous apercevons Najerá à l'horizon, une petite ville de 6.000 âmes. Une auberge (à base de dons)- 105 lits superposés - salle de ronfleurs - 2 douches - 2 toilettes pour tout ce monde, incroyable. En prime quelqu'un a l'idée géniale de cuisiner avec de l'ail dans la même salle. Beaucoup d'ail. A faire s'enrouler les papiers des murs. Je prends la fuite.
La visite de la ville est particulièrement intéressante, un monastère impressionnant, « Santa María la Real »11e siècle. Le monastère fût fondé à côté d'une grotte dans laquelle le roi de Navarre, García Sánchez III trouva une statuette de la vierge Marie. Particulièrement intéressant sont le Panthéon et la tombe de la reine Blanca de Navarre. Le soir venu je ne veux pas manger le menu du ... et je décide de m'accorder un bon repas dans un restaurant espagnol, un vrai. Uschi et Kevin m'accompagnent. Je choisi « Le Chevalier », pour sa carte uniquement en espagnol. Il faut dire que je me débrouille assez bien avec mon italien débutant. En entrée je prends une délicieuse assiette de jambon serrano avec fromage, suivi d' une escalope de veau bien préparée par le chef. Kevin se contente de spaghettis pour le prix. Uschi a des problèmes de compréhension. Elle commande la Morzilla croyant qu'il s'agit de la Mozzarella. Mais la Morzilla s'avère une sorte de boudin noir farci d'oignons, de riz et d' herbes rôti dans l'huile d'olives. Une spécialité régionale quoi. Moi je la trouve très bonne, mais Uschi ne semble pas du tout l'apprécier a juger d'après ses grimaces.
11) Najerá - Santo Domingo de la Calzada (22,1 km)
10 mai : Il pleut des torrents dès le départ. Kevin et moi, nous couvrons la distance de 22 km en 3 :30 hrs - temps record. Sprint sous la pluie, sans boire ni manger. Un temps de chien. Trempé jusqu'aux os, nous arrivons à 11 hrs. Uschi a triché et prit un taxi pour echapper à cette pluie torrentielle. Ainsi la chambre pour moi et Kevin est déjà réservée. Elle-même partage une chambre avec une sarroise. Une des trois sarroises dont on a fait connaissance il y a quelques jours. Angelika, Marita les deux sœurs et leur amie Monika. Angelika, celle avec les pieds pleins d'ampoules nous accueille plein d' enthousiasme et d'admiration parce que nous avons parcouru cette distance dans un temps record sous la pluie.
L'hôtel est géré par une nonne qui ne parle que l'espagnol et refuse de comprendre quoique ce soit d'autre. Elle est très sévère, têtue, antipathique et a un drôle de talent de compliquer les choses avec les cartes d'identités et réservations.
A Santo Domingo de la Calzada il y a une grande fête pour la pentecôte. La ville est une vraie fourmilière avec une ambiance formidable, de la musique et des attractions dans tous les coins et places.
Nos vêtements ne sèchent pas, on a tout réparti au dessus de la douche et à tout autre endroit possible de la chambre. La fenêtre est largement ouverte mais ca ne sert à rien. La pluie a même pénétrée dans les profondeurs de nos sacs à dos. Tout est mouillé. Mais après une douche bien chaude on vit quand même une journée merveilleuse dans cette ville pleine de joie. Nous visitons la cathédrale dont la plus grande partie est gothique. Dans une cage vis à vis du petit temple gothique sont tenus un coq blanc et une poule blanche dont voici la légende : Un couple avec leur fils faisait le pèlerinage pour Santiago et passait la nuit dans une auberge à Santo Domingo. La fille du tenancier d'auberge tombait amoureux du garçon, mais celui-là ne voulait rien savoir d'elle. La fille refusée était vexée. Pour se venger elle cacha un gobelet en argent dans les affaires du garçon et ensuite porta plainte contre lui pour vol. Le gobelet fût retrouvé dans les affaires du garçon et celui-ci fût condamné à mort par pendaison. Après l'exécution du châtiment et avant de reprendre la route les parents éprouvés se rendaient une dernière fois sous l'arbre pour prendre congé de leur fils pendu.
C'est alors qu'ils remarquaient que leur fils était toujours vivant. Santo Domingo l'avait sauvé en soutenant ses jambes. Le couple se rendait auprès du juge pour l'instruire de ce miracle prouvant l'innocence de leur fils. Le juge fou furieux de cette interruption pendant son déjeuner copieux éclatait de rire et criait que le garçon serait aussi vivant que les 2 poules qu'il était en train de dévorer. A ces mots les 2 poules battaient des ailes et s'envolaient.
12) Santo Domingo de la Calzada - Belorado (23,6 km)
11 mai : Il pleut toujours. Nos affaires n'ont pas séchées. Impossible de continuer notre chemin dans ces conditions. Malgré notre mauvaise conscience et par pure nécessité nous décidons de prendre le bus pour cette étape. Nous trouvons une auberge privée « Cuatro Cantones » chez « Tante Fernando », un homosexuel sympathique. Tout est parfait, à base de dons mais cette fois-ci intelligemment conçu. A l'entrée une tirelire attend les pèlerins. « Combien est ce que ca coûte ? » - « Vous donnez ce que vous voulez ».
Hélas, habitué aux marches on ne sait pas trop comment s'occuper pendant cette journée de fainéant et on boit l'une ou l'autre cerveza, à cause de la vitamine B et pour nous remonter le moral. Kevin saute dans le pool, je ne sais pas s'il veut démontrer sa dureté ou bien nous rappeler sa jeunesse. L'eau est froide, terriblement froide.
Le repas du soir se prend également dans la maison. Pour une fois c'est bon, vraiment très bon : en entrée une soupe à l'ail, puis du poulet fermier, élevé dans le jardin, préparé avec amour et herbes secrètes. Jamais de ma vie j'ai mangé un poulet aussi exquis. Le tout suivit d'un bon dessert. En plus le pain et 2 bouteilles de vin. Pour descendre ces délices une goutte et encore une autre goutte pour la joie de donner.
Je suis d'avis qu'avec sa gentillesse et sa générosité « tante Fernando » gagne beaucoup plus que d'autres établissements. Un seul prix fixe pour le petit déjeuner -3€. Fernando veille bien à ce que tout le monde paye ses 3€ avant de partir.
13) Belorado - San Juan de Ortega (24,8 km)
12 mai : Enfin, on est de retour au vrai pèlerinage à pied. Nous prenons congé des sarroises, qui restent à Villafranca. Notre chemin nous mène aujourd'hui 24 km à travers les montagnes (Montes de Oca), montagne des oies, plus tard à travers une percée coupe-feu dans une belle forêt. Il y a un monument pour les républicains fusillés pendant la guerre civile. Beau chemin et un temps merveilleusement ensoleillé ( récompense pour la journée moche d' hier ?). Uschi a la peau du bras gauche brûlée à cause de l'intensité des rayons solaires à plus de 1000 m d'altitude. Arrivé à San Juan de Ortega les auberges affichent à nouveau le grand complet. Un gentil aubergiste téléphone à un hôtel (provision ???) et nous réserve une chambre triple à Atapuerca (Hôtel Sierra de Atapuerca). 5€ pour le taxi plus 79 € pour la chambre. Menu du pèlerin comme d'habitude.
14) Atapuerca - Burgos (22,4 km)
13 mai : Environ 4 km de l'hôtel pour arriver sur le bon chemin (on est un peu perdu sans les flèches jaunes). Puis vient Atapuerca, célèbre dans le monde entier à cause des ossements humains vieux de plus de 1000.000 années soient les plus anciens de l'Europe de l'Ouest .
Un chemin de rêve nous attend. Montant jusqu'à une altitude de 1081 m où il y a une grande croix en bois visible de loin. Nous détournons le territoire de l'aéroport de Burgos (aéroport régional) jusqu'à Villafria (banlieue de Burgos) où Uschi prend le bus pour le centre de Burgos. Kevin et moi, nous marchons par la zone industrielle. Juste avant la ville je rencontre le canadien Jean, toujours avec les 2 genoux bandagés.
Jamais de ma vie j'ai vu une cathédrale aussi belle avec des dimensions aussi énormes et impressionnantes que celle de Burgos. On se demande quel respect profond (ou peur ?) ont dû éprouver les pèlerins peu instruits du moyen âge confronté à un tel bâtiment.
Il nous faudrait une journée entière pour visiter la cathédrale. Hélas on n'a pas le temps, en conséquence visite sommaire et quelques photos. L'hôtel ABC 2 ** pour 80€ la triple. Le soir j' écris mes cartes postales, la même pour tout le monde (comme je fais toujours !!) La carte du chemin dessus pour que tout un chacun puisse voir où je me trouve. J'ai choisi ce jour car maintenant je me trouve environ au milieu de mon périple.
15) Burgos - Hornillos del Camino (21,4 km)
14 mai : Après avoir pris congé de Kevin à la station d'autobus, Uschi et moi quittons Burgos. Nous traversons un joli parc et puis nous longeons l'université. Un beau chemin et facile en plus. Juste une montée inoffensive dans le dernier tiers. C'est le premier jour à travers la meseta, région presque sans arbres. Nous arrivons à 13.30 hrs juste avant qu'il ne commence à pleuvoir. L'auberge affiche complet, on connait l'histoire. Nous faisons la queue pour le tampon et payons 5 € pour une place dans le hall sportif. On s'attable pour manger dans le seul resto du village (Casa Manolo) archicomble. Madame, je l'appelle « Keks », mais je ne sais plus trop pourquoi, est désespérément surchargée. On est là depuis pas mal de temps quand j'ose demander la carte. Madame me répond « tranquilo ! tranquilo ! » et nous laisse encore un quart d'heure au sec. Ce qui me laisse le temps de voir et de comprendre. La pauvre femme est toute seule, elle s'occupe de tout : la cuisine, le service, les commandes, la caisse. En plus, le restaurant n'a pas l'infrastructure adéquate pour accueillir tant de monde. En secret, je lui adresse mes excuses. C'est enfin notre tour et nous commandons du poulet à la sauce de bière, très bon.
Louable également le travail de quelques bénévoles du village dans le hall sportif. Ils mettent des feuilles de plastic sous les matelas pour offrir un minimum de propreté, des housses pour les matelas, taie d'oreiller et chauffage du hall avec des souffleries géantes. Toilettes et douches simples, mais propres - mes respects. Merci aux gents de Hornillos .
16) Hornillos del Camino - Castrojeriz (20,8 km)
15 mai : Un chemin magnifique à travers la meseta, 10 km jusqu'au village pittoresque de Hontanas (2 bars et 2 terrasses) ou je m'offre 2 cafés con leche. Il reste encore 11 km avant d'arriver à Castrojeriz. Après la 1re étape à travers les Pyrénées c'est celle qui me plait le plus jusqu'ici. Belle chambre à l'Hostal 1*
El Manzano près de l'église avec une terrasse et une vue superbe. Il y a une procession religieuse et la patronne s'est mise sur son trente et un pour y participer en dansant et jouant avec des castagnettes. Par ennui je fais 2 fois le tour du village. Vers 17.00 hrs il commence à grêler. Menu du pèlerin - spaghetti avec chorizo - Ternera à la Rioja (Goulache), très bon , mais suivi d'un gobelet de Pudding du supermarché . 5 points en moins dans le guide Kohlemin à cause de ça.
17) Castrojeriz - Frómista (26,2 km)
16 mai : Une longue montée en flèche qui vaut la peine. La vue en arrière sur Castrojeriz est époustouflante. Arrivés sur les hauteurs tous les pèlerins s'attardent et préféreraient y rester, tellement c'est beau.
10 km plus loin j'aurais presque passé devant l'auberge située dans l'église San Nicolás du 13e siècle. L'auberge est gérée par des étudiants italiens. Elle appartenait jadis à l'ordre de Malte. Gianluca invite à boire un café. Il embrasse tous les pèlerins et donne même une grosse bise aux dames. Il y a 12 lits et des volontaires préparent repas et petit déjeuner pour les pèlerins. Selon une tradition et avant le repas un pied de chaque pèlerin est lavé. Nulle part ailleurs cette tradition est encore pratiquée. Il n'y a pas d'électricité mais de bonnes installations sanitaires.
Peu après un vieux pont au dessus de la rivière Pisverga et on change de province. Nous sommes entrés en province de Palencia. Le paysage devient plat et monotone, c'est la « Tierra de Campos », terre des champs. On quitte le village de Itero de la Vega et lentement mais sûrement on monte jusqu'aux « buttes de quilles ». C'est pas leur vrai nom mais je les appelle ainsi parce qu'elles sont un peu aiguës et qu'elles ressemblent à des quilles bizarres. A Boadilla del Camino il y a un pilori gothique du 15e siècle richement décoré de coquilles St. Jacques. Une légère descente et on continue en longeant un canal tout droit jusqu'à Frómista. Le canal est un chef d'œuvre de l'architecture du 18e siècle et servait en tant que voie de transport. Aujourd'hui ses eaux arrosent les champs. Une belle écluse pour finir cette étape. Uschi a de nouveau des problèmes de condition et est contente d'avoir trouvé une auberge dans les environs - 7,50€ avec petit déjeuner, assez correct.
18) Frómista - Carrion de los Condes (19,7 km)
17 mai : Uschi ne se sent pas du tout à l'aise et prend un taxi pour Carrion. Je continue tout seul, toujours à pied et sans le moindre problème. Aujourd'hui au programme « l'autoroute des pèlerins ».
Un chemin tout droit de 21 km à côté de la rue principale. Sans la moindre courbure, sans aucune distraction, quelle barbe. Je ne prends pas de photos, il n'y a rien à admirer. A Carrion Uschi m'attend déjà, mais juste pour me dire au revoir parce qu'elle a décidé de prendre le bus pour continuer jusqu'à Sáhagun. Elle est trop fatiguée pour continuer à pied. ( Mais maintenant la distance entre nous deux était tellement grande que je ne pouvais plus la rejoindre.)
Je trouve une belle chambre dans un Hostal pour 30€, je veux dormir tranquillement pour une fois et prendre une bonne douche. Simplement avoir du calme et me reposer un peu. C'est l'heure de la sieste et depuis mon périple j'ai pris des habitudes sacrément espagnoles.
Le soir menu du pèlerin, très bon, Ensalada rusa - Stifado con patatas - Crema catalaña - Pane - Vino tinto - Café solo y la cuenta por favor. Je m'endors de bonne heure.
19) Carrion de los Condes - Ledigos (24,6 km)
18 mai : Le canadien m'a proposé de faire l'étape d'aujourd'hui ensemble. Hier soir il m'avait proposé d'y aller seul s'il ne serait pas devant la porte à 7.00 hrs. Il partageait la chambre avec 2 allemands qu'il ne voulait déranger.
Bien, je suis parti tout seul à 7 hrs quart. Au programme seulement 24 km, mais encore plus ennuyant qu'hier. Meseta pure et dure. Cette étape est une des plus dures et spirituellement une des plus passionnantes du chemin. Absolument plat, déserte et sans ombre du tout, un vrai défi pour corps et esprit. Je quitte la petite ville et traverse le rio Carrión. Enfin un village, Calzadilla de la Cueza, un café con leche pour le goût et je reprends mon camino. Ca va mieux maintenant. Le café m'a donné le courage pour affronter ce chemin ennuyant. Je fredonne même des airs d'opéra et autres.
Il se met à pleuvoir sur les derniers 4 km (ça alors, je ne vais plus jamais chanter si mon art provoque de telles chutes d'eau) et je décide de rester à Ledigos. Pour une fois je suis le tout premier hôte dans une auberge. A première vue une belle auberge avec des installations sanitaires suffisantes. Je m' installe et prend un café...un bocadillo con chorizo y queso, puis una cerveza. C'est encore tôt,13 hrs et je fais le tour du propriétaire du village. Un village déserté où toutes les maisons sont construites en torchis. Ici il n'y a plus aucune âme. Je fais la sieste jusqu'à 17.00 hrs comme un vrai espagnol, puis un café pour me réveiller. Puis, une bière par ennui. Je prends tout mon temps pour remplir mon carnet de route et faire la planification du parcours du lendemain. Au lit et vite !
20) Ledigos - El Burgo Ranero (36,0 km)
19 mai : Jusqu'à présent l'étape d'aujourd'hui est la plus longue, 36 km - départ 6.45 hrs - Ledigos - Terradillos de los Templarios - Moratinos - San Nicolás, puis vient la frontière de la province de León. Sahagún, une jolie petite ville d'environ 3.400 âmes. Je m'arrête pour un café con leche et un gâteau aux amendes, délicieux à un prix ridicule. Après cette collation, je suis tranquillement mon chemin jusqu'à Calzada del Coto et Bercianos del Real Camino où je m'offre un déjeuner (je n'ai rien eu hier soir dans le village déserté). Ensalada Rusa (à chaque fois une préparation différente mais toujours très bon) huevos con chorizo y patatas, 2 Cola-light, un café solo, le tout pour 10 €. Encore 7 km pour El Burgo Ranero.
Le chemin entier, c.à.d. les 36 km est une seule ligne droite, tout plat avec des jeunes arbres plantés tous les 10 mètres. Ces arbres sont entretenus par un système d'arrosage financé par l'Europe. Santiago étant la capitale de la culture il y a 10 ans environ, ce chemin a été entièrement retapé. Affaire de goût. Je ne sais pas si c'est beau ou non. Je trouve un Hostal*à El Burgo Ranero avec une chambre plus que simple comme cela se doit pour un pèlerin, un peu style années 50 mais comme je l'ai dit, d'une simplicité.... Jean et moi, nous nous sommes donné rendez-vous au restaurant d'à côté pour 19 hrs. Quand j' arrive, il y a encore d'autres personnes assises à table, mais Jean m'a tenu une place, merci encore. Un couple de québécois d'environ 55 ans, Céline et Paul, un jeune québécois, Richard, un barbu, Chantal, qui l'eût cru, une québécoise et Shadow, cette fois-ci une basquaise, et enfin Jean et moi. Ils veulent tout savoir sur le Luxembourg (peuple, langue, traditions etc....) Une belle soirée avec ces gens extraordinairement sympathiques, quoiqu'il faut faire attention car le français québécois n'est que difficilement compréhensible si on n'a pas l'habitude. Mais en réalité c'est un français plus pur que le vrai sans anglicismes du tout. Pour chaque chose il y a un mot français, une belle expérience je trouve. Demain, Jean ira avec moi sur le camino, c'est promis.
21) El Burgo Ranero - Puente de Villarente (26 km)
20 mai : Jean vient à temps et c'est parti pour 26 km sur le chemin toujours tout droit, toujours ennuyeux, mais heureusement je ne suis pas seul aujourd'hui et on a des tas de choses à se raconter. Nous gardons toujours le contact avec les autres canadiens. Une troupe joyeuse ces gens là. Ils chantent des airs de leur pays. Puis ils m'incitent à chanter un air traditionnel de mon pays.
Je ne suis pas préparé à ça et pour cacher ma timidité j'entame spontanément « Kättchen, Kättchen breng mir nach een Pättchen » une chanson bien connue chez nous. Cela a de l'allure comme tous les chants qui invitent à boire.
Soudain une voiture s'arrête devant nous et le chauffeur nous propose un lit dans son auberge qui se trouve à 10 km environ de là. Nous réservons de suite (puisque la réservation ne coûte rien) et la course aux lits est finie pour aujourd'hui. L'auberge s'appelle « San Pelayo » et possède une grande cours intérieure avec des chaises et des tables réparties sur un gazon « Wembley », merveilleux, du moins pour le simple pèlerin que j'étais devenu. Dos cerveza por favor pour poursuivre nos discussions et attendre le soir.
Le menu du pèlerin consiste en une salade géante avec tomates, œufs, thon et tout ce que l'on peut imaginer pour composer une belle salade, suivie d'une aussi délicieuse que gigantesque tortilla.
Mais aussi une belle soirée entre amis partageant les mêmes idées et rassemblés autour d'une grande table et conviviale touche à sa fin.
22) Puente de Villarente - León (13,1 km)
21 mai : L'étape d'aujourd'hui n'a que 13 km ( moins que rien), mais nous ne voulons pas aller plus loin pour avoir plein de loisir pour visiter les attractions de la ville de León. Un chemin qui ne plait pas tellement et qui en prime longe l'autoroute sur plusieurs kilomètres. Rien à signaler jusqu'à León. Arrivé à León nous retrouvons tout de suite Paul et Céline qui ont déjà trouvé une chambre à l'Hostal « Guzman » . Il y a encore des disponibilités et je partage une chambre à 50.-€ avec Jean. Arrivé tôt à León j'ai décidé d'aller chez le coiffeur encore avant midi. Pour 14.- € le coiffeur me coupe les cheveux mieux que moi-même tout en ne cessant de me parler en espagnol.
Je me régale d' une assiette de jambon et fromage et calamaros fritos y patatas. Une bonne sieste jusqu'à 17 hrs et puis visite de la ville. La ville bien que très moderne et riche en monuments historiques. La cathédrale gothique érigée aux 13e et 14e siècles est l'une des plus belles d'Espagne. Presque 200 fenêtres richement décorées sur une surface d'environ 1800 m2.
A chaque fois que l'on trouve un cybercafé on y entre pour voir les prévisions météorologiques sur internet. Aujourd'hui ils annoncent du mauvais temps pour les jours suivants. Ce soir je n'ai plus retrouvé Jean dans cette grande ville. Pour me consoler je prends une cerveza (à cause de la vitamine B.) Soigner son taux en vitamine B passe toujours bien comme excuse si on est attablé sur une terrasse devant la cathédrale. Souffrant de ma solitude je m'autorise encore un Kebab et un Cola light chez un kurde. Quand je rentre, Jean est déjà à la chambre, il m'a cherché pendant toute la journée. Soudain quelqu'un frappe à la porte. Paul et Céline nous honorent d'une bouteille de Whiskey pour fêter nos adieux, puisqu'ils ont décidé de rester 3 jours à Léon pour visiter à fond cette ville merveilleuse. Donc on ne se reverra plus car trois jours c'est trop pour nous rattraper éventuellement. Un verre suivi d'un autre etcetera pour accompagner nos longues discussions sur les expériences faites jusqu'alors.
23) León - Villar de Mazarife (21,7 km)
22 mai : Le chemin nous mène le long de la basilique San Isidor du 11e siècle (des travaux en cours), le long des remparts puissants de la ville historique. Vite un café con leche en guise de petit déjeuner pèlerin. On passe devant l'hôtel « Parador », le grand luxe, rien pour des pauvres pèlerins comme nous, jamais de ma vie j'ai vu un hôtel pareil.
A mi-chemin, Virgen del Camino, c'est là où on doit choisir entre 2 chemins différents, on a opté pour le plus long mais aussi le plus tranquille. Ce n'est pas mon jour, pour la première fois je ne me sens pas à l'aise. Je marche sur un nuage de whiskey. Après la pause de midi en compagnie de Dave et Claire (un autre couple québécois du New Brunswick, âgé de plus de 70 ans), Jean et moi nous allons mieux. Jean m'explique l'évangile, il est pasteur protestant. Il s'intéresse à ma conviction chrétienne et une discussion très intéressante s'entame et n'en finie plus.
Enfin l'auberge, je me sens enrhumé(ou enwhiskeyé) et fais abondamment la sieste. Ce soir une Paëlla végétarienne géante servi sur une seule table aussi géante où tous les pèlerins prennent place. Pour le petit déjeuner le lendemain on nous gâte de churros.
24) Villar de Mazarife - Astorga (33,1 km)
23 mai : Départ vers 7 hrs, une étape au début ennuyeuse, les 15 premiers km tout droit, puis le chemin devient plus beau mais aussi plus dur. Je dirai même que la dernière partie avant la descente vers Astorga est un vrai calvaire. Dix minutes avant notre arrivée il se met à pleuvoir. Jean se dirige vers l'auberge San Miguel. Je décide de m'offrir une chambre individuelle
pour cette nuit parce que je tousse beaucoup et que je ne veux pas déranger les autres pèlerins. L'hôte de l'auberge de Jean me donne une adresse chez des nonnes. Mais sous la pluie abondante je ne la trouve pas. Je suis épuisé et bien tenté de rentrer dans un hôtel ***Astur Plaza quand je vois l'enceinte de l' auberge Javier. Là je revois Chantal en train de sécher ses affaires. Elle est seule et je lui propose de manger avec Jean et moi ce soir. Sur la Plazza Mayor je commande une cerveza (à cause des vit...). Le dîner, Ensalada Rusa (très bon), Filete de ternera ( je crois que ternera est un autre mot pour indéfinissable) et pour dessert une mousse à la mandarine dans son pot en plastic. A 21.00 hrs je rampe dans mon sac de couchage dans la grande salle des ronfleurs (pas de problème pour ma toux, personne ne m'entendra parmi ces ronfleurs extrêmes). Mon voisin de lit, Paul, un australien de Sidney a l'audace de me souhaiter une bonne nuit. Ha,ha,
25) Astorga - Rabanal del Camino (20,7 km)
24 mai : Du temps des romains Astorga était une ville importante et s'appelait « Asturcia Augusta ». On peut toujours admirer les nombreux vestiges de l'époque. Au Moyen Age Astorga était une importante station sur le chemin de St. Jacques. A 7.00 hrs et demi je me joints à Jean qui vient de l'autre auberge et nous reprenons notre périple.
Chantal est déjà partie de bonne heure. Point de vue paysage, l'étape est extraordinaire. Tout de suite après Astorga le paysage change brusquement. Maintenant c'est la Maragateria, une région très hostile dont les habitants, les Maragatos sont probablement de descendence mauresque ou romanesque qui ont gardé leur propres traditions. Une montée incessante mais pas en flèche jusqu'à une altitude de 1170 m. On décroche 2 lits à l'auberge sympathique « El Tesin ». Il est midi et nous rejoignons le resto juste à côté, Calamares fritos con patatas y una cerveza (à cause...).
Après le déjeuner je prends une bonne douche. Dehors il pleut des torrents. Il fait froid à cette altitude et la pluie abondante n'arrange rien. Dans un joli salon chauffé par une belle cheminée, j'écoute le récit d'un italien au baryton agréable sur ses aventures en Amérique de Sud. La chaleur, la douce voix, je somnole un tout petit peu, quand une dame de 65 ans originaire de Dijon se joint à nous. Ses enfants lui ont offert un vélo pour son anniversaire et maintenant elle pédale le chemin jusqu'à Fatima au Portugal.
D'habitude tous les pèlerins se couchent tôt et vers 22.00 hrs règne déjà le calme absolu (à part les ronflements). Mais ce soir il y a un groupe de Hippies dont un avec guitare classique. Il joue et nous chantons les tubes des années 70. Le résultat est incroyablement effrayant et bruyant d'autant plus que les escaliers et les sols sont en bois. Malgré tout les plaisirs que nous y prenons tout le monde est reconnaissant quand vers minuit un allemand prend l'initiative et met fin au beuglement et à la beuverie.
26) Rabanal del Camino - Molinaseca (25,3 km)
25 mai : Ce matin il fait froid et je me bats toujours contre mon refroidissement. Le chemin commence tout de suite en flèche jusqu'à une altitude de 1517 m. Après Foncebadón, un village déserté à 1.400 m, le « Cruz de Ferro », un lieu symbolique du chemin où tout un chacun dépose la pierre emportée depuis son domicile pour l'occasion.
Moi, je n'ais pas de pierre. Quel dommage que ce lieu est noyé dans les nuages, on ne voit pas grand-chose. Après les villages de Manjarin et puis El Acebo où nous prenons congé de Chantal. Encore les villages de Riego de Ambrós et Molinaseca. Je m'accorde un Hostal avec bain pour 40€. Pour remplacer le menu du pèlerin j'investi 2€ de plus pour jambon aux asperges en entrée, suivi d'un filet de merlu, glace, vin et pain - 10€ 95. Je me régale.
27) Molinaseca - Villafranca del Bierzo (32,0 km)
26 mai : A 7.30hrs je vais chercher Jean dans son auberge et nous nous mettons en route. Après quelques kilomètres seulement la belle ville templière de Ponferrada où nous prenons notre petit déjeuner en compagnie de Todd et son épouse du Colorado des Etats-Unis et Claudine, une Ch'ti de Lille. Ponferrada est la capitale de la région du Bierzo, terre très fertile entre la Castille et la Galice. Point de vue politique, le Bierzo appartient à la province de León mais il se distingue considérablement de cette région et par le paysage et par le dialecte y pratiqué. La carte mémoire de mon appareil photo étant pleine, je cherche un magasin pour acquérir une deuxième. Jean a acheté des piles à « duration especiale » selon emballage (4 pièces pour 60 cents). En cours de route il doit changer les piles, il met les nouvelles et l'appareil s'ouvre pour se refermer aussitôt. Les toutes nouvelles piles sont vides et Jean se fâche : »alors là, ça c'est vraiment duration especiale ». On en rigole encore des jours après. Puis nous continuons notre chemin à travers le merveilleux paysage du Bierzo. Dans le Bierzo on produit du vin rouge peu connu mais d'autant plus bon. Je le préfère de loin au Rioja. A Cacabelos nous rencontrons de nouveau Bernard et Marie de Roubaix qui restent là pour dormir tandis que nous continuons jusqu'à Villafranca. Villafranca signifie lieu des Francs. Au moyen âge des colons de l'Europe de l'est et de l'Europe centrale s'y sont établis d'où le nom de la ville. Nous sommes tombés sur l'une des pires auberges du chemin. 6 €, cela ne parait pas cher du tout, mais tout est dégoûtant, les lits avec des matelas ...je crains qu'il y a des bestioles,tout pue la moisissure des murs.
Des toilettes sans couvercles, les douches sans eau chaude soit sans eau du tout, des lavabos où les robinets tournent en rond. L'hôtesse impolie nous demande si nous voulons prendre le petit déjeuner chez eux... on renonce !!!
Il pleut sur la belle place ornée de terrasses et nous dînons à l'intérieur, asperges et carne de Buey. Claudine, la Ch'ti nous offre des œufs surprise « Kinder » pour chasser la tristesse un peu.
28) Villafranca del Bierzo - Vega de Valcarce (17,7 km)
27 mai : Aujourd'hui nous avons choisi une « petite étape » de 18 kilomètres seulement pour que nous puissions nous reposer encore un peu avant l'étape royale pour O Cebreiro. Un chemin « normal » sans spécialités, rien à signaler. Pour bien se reposer, Jean prend aussi une chambre individuelle avec tout confort et même avec TV. Dommage qu'il n'y a qu'une chambre libre. Après 300 m je trouve également une belle chambre simple mais très propre, hélas sans Télé.
La salle de bains à l'étage est d'une propreté exemplaire. Pension Fernandez pour 15 €.
29) Vega de Valcarce - Fonfria (25,3 km)
28 mai : L'étape de toutes les étapes, la royale, on peut le crier haut et fort. Tout le programme est là : la flotte toute la journée et en prime nous avons droit au froid, au vent, au brouillard, aux nuages. Le chemin en flèche est très boueux. Pourtant on vit un moment de joie en passant la frontière pour la Galice, province de Lugo.
Peu après nous arrivons au premier village galicien, O Cebreiro (30 habitants), hélas caché complètement dans le brouillard. Les maisons rondes avec des toits en paille qui, du temps des pèlerins médiévaux, abritaient un hôpital existent toujours. Dans une de ces » pallozas » se trouve une petite exposition sur le mode de vie des habitants d'antan. Soudain j'entends de la musique de cornemuse sortant de la boutique de souvenirs avec bar. « Enfin nous sommes vraiment en pays celtique », me réjouis-je. Durant toute la matinée j'ai énervé Jean en lui promettant de la vraie musique celtique. La cornemuse galicienne s'appelle gaïta.
On essaie en vain de se sécher un peu. Il nous reste 12 kilomètres sur les hauteurs galiciennes (environ 1300 m), l'Alto do Poio-1337m à franchir, avant d'arriver à Fonfria, village d'étape. Nous prenons une chambre double dans l'auberge
A Reboleira pour 12 € chacun. Pour manger il faut sortir de l'auberge et se rendre dans une annexe, mais on en a tellement marre (il pleut toujours) que l'on préfère rester à l'abri et se contenter d'un bocadillo.
30) Fonfria - Sarria (29 km)
29 mai : Le lendemain lors de notre départ il ne pleut pas et pendant la journée il n'y a que quelques rares averses. Le chemin cependant est dégueulasse à cause de la flotte des derniers jours. Dans les chemins creux (corredoiras) la bouse dévale sur nos chaussures.
Arrivé vers 15 hrs j'essaie mon 1er cidre galicien. En Galice le cidre est souvent à la pression et à bon marché. Le cidre est un vrai régal et remplace à merveille la bière. Le soir mon dîner à la « Cafeteria Santiago » consiste en :
Espárragos & Jamón, Filete Merluza con patatas, Tarta de Santiago - buonissimo, un café solo y la cuenta por favor.
31) Sarria - Portomarin (23,1 km)
30 mai : Beau chemin, toute la journée sans pluie mais les chemins creux sont toujours dégueulasses. Comme il était déjà le cas entre Triacastela et Sarria la plupart des petits villages sont liés entre eux par des « corredoiras ». 150 m après le village de Brea nous atteignons la borne de 100 km. Puis vient un joli bar avec cour intérieure d'où m'atteignent comme un chant de sirènes les accords bien connus de la musique de Hevia dont je possède plusieurs CD. Cette musique plait aussi à Jean et nous nous attablons. Nous partageons une tortilla et buvons du cidre. Nous nous sentons vraiment à l'aise dans ce lieu féérique et nous aimerions rester.
Ce n'est plus loin maintenant jusqu'à Portomarin ( barrage, pont, escalier, 2 belles et grandes auberges). L'ancien Portomarin a disparu dans le lac du barrage dans les années 60, mais l'église romane fut sauvé et reconstruite pierre par pierre dans la nouvelle ville.
Au restaurant, menu du pèlerin, Caldo gallego (une sorte de soupe aux légumes), Huevos con Jamón y patatas, Tarta de Santiago, pain et vin, café solo, le tout pour 10 €. Un homme s'assoit à ma table, et pour commencer une conversation je lui demande d'où il vient. Il me répond simplement qu'il est européen. En réalité, il est italien du Tyrol du sud, ce qu'il me confie seulement après en cachette parce qu'il y a des italiens à la table voisine. Voilà comment est divisé ma belle Italie, l'un des berceaux de l'Europe. Ainsi la soirée se déroule sans beaucoup de mots, c'est bien dommage, car le tyrolien m'est bien sympathique et j'aurai apprécié une petite conversation en italien. En sortant je remarque Bernard et Marie. Si j'avais su avant j'aurai pu dîner avec eux. A l'auberge je bavarde encore un peu avec Kim, la coréenne.
Puis je me retrouve dans une grande salle avec 120 lits et hélas tous les ronfleurs y présent se sont conjurés pour se concentrer dans mon coin - horreur. C'est la nuit la plus longue, je ne ferme pas un oeil de la nuit.
32) Portomarin - Palas de Rei (25,5 km)
31 mai : Nous quittons Portomarin par un pont en fer sur un bras du barrage. Un dernier regard sur le lac et on monte en flèche. C'est un beau chemin, des montées et des descentes, pas beaucoup de boue et surtout il ne pleut pas.
Arrivé à Palas de Rei je prends une chambre individuelle dans une pension pour 25 €. Plus tard nous apprenons que ailleurs toutes les auberges affichent le grand complet. Dîner ce soir avec Jean, Ensalada rusa avec beaucoup de tomates et de thon, steak - frites, tarte mokka faite maison, vin et pain pour 7€ ??, je le répète, 7€ et en plus le tout est délicieux.
33) Palas de Rei - Arzúa (30,3 km)
01 juin : Je suis content de quitter Palas de Rei. D'après son nom je l'avais imaginé autrement, je suis un peu déçu. Cependant le chemin que nous suivons maintenant est d'une beauté extraordinaire. Un peu dur et très vallonné. Nous traversons des forêts d'eucalyptus comme on en trouve un peu partout en Galice. Ce bois est utilisé pour la confection de papier et de meubles. L'air est parfumé par la douce odeur des feuilles jeunes de couleur pâle. Je ne sais définir la couleur des feuilles mais elles sentent extrêmement bon. Hélas de nos jours ces arbres sont devenus un problème écologique. Leurs racines profondes mènent à une descente du niveau de la nappe phréatique.
34) Arzúa - Monte de Gozo (35,2 km)
02 juin : Nous avons prévu une étape de 20 kilomètres aujourd'hui mais notre enthousiasme nous mène plus loin. Nous faisons 35 kilomètres à travers un paysage très beau, quelques petites montées et descentes. Par une clairière dans la forêt nous voyons déjà décoller et atterrir les avions de l'aéroport de Labacolla. Les pèlerins du moyen âge avaient la coutume de se laver ici dans le fleuve avant leur entrée solennelle à Santiago. Monte de Gozo veut dire mont de la joie et se réfère à la grande joie qu'avaient éprouvés les pèlerins quand après de dures épreuves ils voyaient enfin devant eux le but de leur long périple. D'ici on peut voir Santiago de Compostela pour la première fois. La ville toute proche maintenant, sachant bien que le pèlerinage touche bientôt à sa fin. Grande joie? Je ne sais pas, c'est plutôt le contraire, une tristesse s'installe dans mon cœur, j'ai peur de perdre des connaissances devenues ami(e)s. Quoiqu'il en soit il nous reste encore une journée.
Avant d'arriver à l'auberge on passe devant le monument décevant érigé à l'occasion de la visite du pape.
L'auberge se révèle un centre de congrès géant, 25 bâtiments aménagés en terrasses avec restaurants et boutiques de souvenirs. Il y a 3000 lits mais seulement 500 lits à la disposition des pèlerins. Pas mal quand même. Pour la première fois nous recevons des draps et des housses emballés et jetables. 5 € la nuit et des chambres à 8 personnes seulement dans ces bâtiments gigantesques.
35) Monte de Gozo - Santiago de Compostela (4,7 km)
03 juin : Puisqu'on avait tellement accéléré hier, il ne reste que 4 kilomètres pour arriver à Santiago, un rien. Peut-être que nous devrions les faires à genoux ?
Déjà avant 9 hrs nous attendons l'ouverture du bureau des pèlerins, qui se trouve dans une annexe de la cathédrale. Heureusement nous sommes parmi les premiers à recevoir la Compostelle, un joli diplôme rédigé en latin. Nous sommes prêts pour une journée plein d'émotions. Quand même il faut d'abord penser aux besoins d'ici bas. A vingt mètres de la cathédrale nous dénichons une chambre double pour 30 € seulement - super. A 11 hrs nous nous rendons à la cathédrale, la messe cependant ne commence qu'à 12 hrs.
Tout se déroule exactement comme dans les films sur St Jacques que j'ai vus à la télévision. La voie céleste de la sœur dans le chœur, à vous couper le souffle. Sublime cette voie, comme descendu en direct du ciel. Le même ange que j'avais entendu chanter lors des reportages télévisés. Phénoménale.
Un prêtre énumère toutes les nations qui se sont présentées ce jour pour recevoir le diplôme. Autant de pèlerins d'Italie, autant du Canada, autant de la France, autant d'Allemagne... et « un peregrino da Luxemburgo ». Toutes les têtes dans ma rangée se tournent vers moi. Je ne sais où me cacher mais je suis fier quand même. A la fin de la messe solennelle entre enaction la fameuse » Butofumeiro », un encensoir géant qui est lancé à travers la nef sur 65 mètres par 4 ou 5 curés. C'est très spectaculaire. Au moyen âge on l'utilisait contre les mauvaises odeurs des pèlerins (mais plutôt avant la messe, non ?). Je suis comblé. A la fin du service nous nous félicitons l'un l'autre pour avoir mené à bien ce pèlerinage.
Et maintenant ? Quelques-uns vont continuer leur chemin jusqu'à Fisterra (Cap Finisterre) à la mer au bout du monde, à pied, en bus, d'autres vont rentrer à la maison immédiatement. Il y a aussi ceux qui restent une journée ou deux pour visiter la ville. Jean a été élu guide gastronomique ce soir et à huit pauvres pèlerins nous nous dirigeons vers le restaurant qu'il a choisi. Je suis trop triste pour énumérer les mets de notre repas d'adieu, Didier et Liliane, Bernard et Marie, André, Jean, Jacques et moi, nous passons une merveilleuse et triste soirée ensemble.
36) Santiago de Compostella - Negreira (23 km)
04 juin : Je prends congé de Jean à 7 heures, un moment triste et quand même réconfortant car nous sommes devenus de vrais amis. Chacun de nous a maintenant un ami à l'autre bout du monde!
Je continue à pied en direction de Negreira par un chemin étroit à travers une forêt d'eucalyptus et de fougères. A mi-chemin pendant une pause de café dans un bar je rencontre Jacques, cet originaire de Nîmes, qui hier soir dînait encore avec nous. Nous décidons de faire le reste du chemin ensemble.
L'idée n'est pas si mauvaise parce que bien que j'aime être seul, je regrette un peu l'absence de Jean. En plus, après Santiago et tout son monde, on se sent quand même un peu seul.
L'auberge de Negreira se trouve un peu à l'extérieur de la ville et après avoir trouvé un lit dans cette très petite auberge, nous retournons dans la ville pour manger un petit quelque chose et pour nous approvisionner au supermarché. C'est mercredi aujourd'hui et Jacques doit retourner à Santiago pour prendre son bus pour Nîmes qui part le vendredi.Nous décidons donc de sauter les deux étapes restantes et de prendre le bus pour Fisterra. Comme ça Jacques peut au moins voire encore le bout du monde.
37) Negreira - Muxia - Fisterra
05 juin : Il pleut et nous prenons le bus (4€) pour Muxia. Il faut dire qu'en Espagne, prendre le bus n'est pas chose facile. Les horaires ne servent pas à grand-chose, c'est plutôt pour tapisser les murs des abris et calmer les étrangers. Les chauffeurs roulent quand ils veulent et se paient leurs cafés solo au bar tandis que les voyageurs les attendent patiemment dans le bus. Le petit port de Muxia est très pittoresque mais assez ( trop) calme.
A Muxia nous prenons le bus pour Cee pour y changer de nouveau le bus pour arriver enfin à Fisterra.
Bernard et sa femme sont aussi dans ce bus. Arrivé à Fisterra, la petite auberge est fermée jusqu'à 17 hrs et il y a plein de monde à attendre devant la porte. Pour cette raison nous choisissons un hôtel (hôtel Ancora), chambre individuelle, bain et TV pour 54 € les 3 nuits. Il ne nous reste plus que le Cap Finisterre pour accomplir notre mission. Nos derniers 4 kilomètres à pied nous mènent à travers un merveilleux paysage. Une atmosphère presqu'irréelle. Entouré de l'océan et remplissant toute la baie d'un bruit assourdissant le phare du bout du monde nous salut.
Devant la toute dernière borne « 0,00km» nous faisons nos adieux à Bernard et Marie pour la 5e fois.
Des néerlandais brûlent leurs chaussures selon une vieille tradition.
Retour à Fisterra (petit port qui ressemble un peu à Etel en Bretagne). Bernard et Marie pour la 6e ... .
Fisterra
06 juin : Petit déjeuner avec Jacques. Ensuite une promenade dans le port, aujourd'hui est le marché (rien que de la camelote). Jacques prend son bus de retour à 11.45 hrs.
J'ais choisi un joli resto avec terrasse sur le port (calamari fritti, les vrais, les petits, délicieux). Je ne fais pas de sieste, je vais à la plage, pas pour me baigner mais pour me promener les pieds nus au bord de la mer. Mes pieds méritent ce massage doux des vagues. Après une douche rafraîchissante, je m'autorise une bonne cerveza , à cause...au bar « Galleria », où pour faire honneur à son nom, sont exposés beaucoup de photos et des tas de niaiseries. Le bar surplomb la ville et offre une magnifique vue sur le port. Ce soir je ne veux pas manger autant. Je commande seulement une tortilla francés ???. Frites, et pour garnir une énorme omelette farcie de fromage 5 (cinq !!!) petites escalopes panées. Et tout chat pour 6 (six !!!) €. Je ne pouvais pas savoir, demain j'essaierai de manger moins. Promis !!!
Fisterra
07 juin : Petit déjeuner à 8 hrs. Quelle fainéantise ! Ensuite je me rends une seconde fois au Cap Finisterre. Le phare du bout du monde est implanté sur un rocher de granit d'une hauteur de 140 m. Je suis tout seul là-haut baigné par un soleil dont les milliers de feux se reflètent dans et sur l'océan. Pas besoin des trompes de brume par ce temps magnifique. Je m'attarde plus d'une heure près du phare flottant à travers les océans avec mes songeries.
Ma solitude matinale ne dure pas longtemps. Quand je descends, 3 autobus déchargent des touristes. Enfin, moi j'ai eu la chance d'avoir eu quelques instants de répit et de solitude sur ce rocher qui était le mien. Retour à Fisterra, café con leche ; déjeuner (Zorza con patatas) une sorte de viande de porc coupé en fines lanières bien épicée ; siesta ; promenade sur la plage ; café con leche ; douche ; téléphoner à mes chers ; tour sur le port pour l'énième fois, enfin du tourisme mais ça change et j'aime ça.Dîner au » A Palaxa », poulet pané avec frites, bon et copieux à la fois. Malheureusement j'ai tendance à commander toujours les « mauvais » plats, enfin des repas pas sains, pas sains du tout. Tiramisu, voilà encore une de ces fautes, café solo. Ah ! j'ai presque oublié. Je me suis offert du Vino tinto, une bouteille entière pour 2 personnes. Je tâcherai de faire mieux demain.
Fisterra - Santiago de Compostella
08 juin : Il est dimanche et il n'y a pas de petit déjeuner à l'hôtel jusqu'à 9.30 hrs. Un bus s'arrête juste devant ma fenêtre. Le chauffeur laisse le moteur allumé. Je présume qu'il prend un café. Il est venu pour ramener des personnes âgées qui se sont arrêtées sur leur « chemin ». Certains ont besoin d'un quart d'heure pour monter dans le bus et trouver une place. Alors je me lève et fais mon dernier tour du port. C'est mon dernier jour à la mer et j'en profite pour manger une ultime fois sur « mon » port. Sans m'en apercevoir je tombe sur le restaurant le plus cher de la place. Calamares (10,50€), Chueletitas (côtes d'agneau pour 16€). Je prends les côtes d'agneau parce que c'est le plat le moins cher. Imaginez un peu ces prix là pour un pauvre pèlerin.
Je rentre à l'hôtel pour récupérer mon sac à dos et j'attends mon bus pour Santiago. Comme je l'ais déjà dit, rouler en bus en Espagne n'est pas chose facile. Un premier bus est réservé à ceux qui possèdent un ticket, mais où diable ont-ils achetés leurs billets ?? Il n'y a ni guichet ni quoique se soit. Peut être l'ont-ils pris en aller- retour à Santiago. Un deuxième bus est prévu pour les voyageurs payants sur place. Quelques-uns ont déjà déposé leurs vélos, sacs à dos et autres affaires dans le premier bus. Il s'agit maintenant de tout récupérer afin de le transférer dans l'autre bus. Enfin, tous les pèlerins ont pris place et c'est parti pour 2 hrs et demie de voyage extraordinaire le long de la côte en passant par Muros.
Un paysage, beau comme la Bretagne haut 3.
A Santiago il y a une grande gare aménagée rien que pour lesbus. Je trouve une chambre d'étudiant pour 2 nuits à 20 € avec douche / wc. Très simple mais o.k.
Santiago de Compostella
09 juin : La ville se réveille. Petit déjeuner dans un bar. Sur la grande place entre la cathédrale et le parlement galicien il y a une manifestation avec mégaphones, grosses caisses, tambours et tout. Je suppose qu'un ministre arrivé en limousine noire pour une réunion importante en est la cause. Beaucoup de policiers prennent position.
La ville a bien plus à offrir que la vieille ville, au-delà s'ouvre une ville moderne, cosmopolite, universitaire avec ses 30.000 étudiants, ses bars, restaurants et boutiques. Santiago, il faut l'avouer, est une ville aussi chère que Madrid ou Barcelone.
Le dernier repas de mon pèlerinage je veux quand même le prendre dans la vieille ville près de la cathédrale au restaurant « Xacobus ». En entrée Pulpo de Feira suivi d'un bacalao sur choucroute avec pommes de terre et poivrons, un peu insolite mais excellent, vino tinto (Rioja), tarta queso, 2 cafés solo et le patron m'offre encore une liqueur de café, le tout pour 26€. Déjà bien loin du menu du pèlerin.
En rentrant à l'hôtel je paie encore ma chambre parce que demain je dois me lever tôt pour me rendre à la « Estacion de Autobusses ». La patronne me montre encore comment ouvrir la porte sans clé et me souhaite un « Buen Viaje ».
Chapitre
2
De Schengen (L) à Domrémy-la-Pucelle (F)
En route pour
Saint-Jacques-de-Compostelle
1) Schengen - Kédange-sur-Canner 29 km
21 mai : Mon épouse Josée me conduit de bonne heure à Schengen. Là, sous le pont près du bureau européen et du monument je prends le départ. Hélas, dès le début un hélico dispersant des pesticides sur les vignobles et donc dans une moindre mesure aussi sur moi m'accompagne. Il vole tout le long de la Moselle et me suit même au-delà de la frontière française. A Contz-les-Bains, premier village français, je traverse le pont pour rejoindre Sierck-les-Bains. A partir du niveau de la Moselle il faut grimper jusqu'au Altenberg, altitude de 320 m.
C'est l'escalade la plus raide et la plus dure sur le chemin jusqu'à Vézelay. Un bon début alors pour ma première étape. Arrivé au sommet je suis tout en sueur mais je suis récompensé par une vue formidable sur ... la centrale nucléaire de Cattenom ! Puis viennent les minuscules villages de Kerling-lès-Sierck, Lémestroff et Budling. A Budling un retraité curieux et bavard me raconte que des gens du club vosgien sont en train de baliser le chemin de St. Jacques dans la région. Pour l'instant ils sont un peu bloqués dans leur travail car le chemin original mène à travers des terrains militaires. Evidemment les hauts militaires résistent à l'idée que des vulgaires jacquaires et tous autres banals civilistes puissent pénétrer sur leur terrain. Tant pis, je cherche le bon chemin avec ma carte I.G.N. tout en évitant ces terrains. Devant moi se dresse maintenant la colline dite du Hackenberg et son ouvrage du même nom avec ces Blockhaus appartenant à la ligne Maginot. Construits après la grande guerre ils devaient protéger la France contre toute nouvelle agression de l'ennemi allemand. L'ouvrage comptait 19 Bunkers de combat et environ 10 km de voies ferrées souterraines dont 4 km déjà électrifiées. Hélas, je n'ai pas le temps de le visiter.
Pendant la descente, j'entends au loin des coups de fusil ou de mitraillettes. Le village de Veckring est un centre de Paint-ball (un jeu où des »adultes » se tirent dessus avec de la munition en plastique colorée). Suivent les villages de Helling et Elzing dans ce paysage surprenant et à découvrir. Puis l'arrivée à Kédange-sur-Canner. L'hôtel de la Canner est simple mais propre, dommage seulement qu'il ne propose qu'un menu unique ce jour là: Une salade vosgienne en entrée, l'éternel steak frites et en dessert un vacherin, pas de discussion, c'est copieux et bon.
2) Kédange-sur-Canner - Metz 31 km
22 mai : Je me lève à 6 heures pour prendre le petit déjeuner, mais le restaurant n'ouvre qu'à 8 heures. Je me remets alors au lit vêtu de ma tenue de combat. J'aurais bien renoncé à prendre un petit déjeuner mais il faut bien payer la dette. Alors j'attends patiemment. Pendant ces 2 heures j'aurais fait environ 8 km. La journée s'annonce belle, un paysage doux et l'étape beaucoup plus facile que celle de la veille. Des villages pittoresques comme Budange, Aboncourt et même un village fleuri 2 étoiles St Hubert s'offrent à moi. J'aurais aimé me reposer et me désaltérer un peu car il fait chaud aujourd'hui mais, hélas il n'y a pas de bar ici. Dans la petite ville de Vigy je fais la connaissance d'un pèlerin allemand âgé de 61 ans et originaire de Wuppertal. Il travaille encore pour son propre compte. Il ne parle aucune langue étrangère. Nous poursuivons ensemble et les 16 km restant de cette étape passent vite. Nous traversons les villages de Méchy, Charly-Oradour, Rupigny et Chieulles. Il fait plus de 30°C maintenant et à St. Julien-lès-Metz nous buvons une petite pression avant de continuer notre chemin vers Metz. L'accès à la ville de Metz s'avère très compliqué pour les pèlerins. Nous tournons en rond, perdons énormément de temps et faisons des km superflus, car le chemin original nous ferait emprunter la bande d'arrêt d'urgence de l'autoroute. Mon hôtel Ibis Metz Cathédrale est introuvable dans les alentours de la dite cathédrale. En fait, il se trouve sur l'autre rive de la Moselle bien caché par d'autres bâtiments. On a fait largement 36 km au lieu des 31 km initialement prévus. L'Allemand est à bout du rouleau. Heureusement, lui qui n'a pas réservé de chambre, en trouve une tout près de la cathédrale. Ce soir je ne veux plus sortir et je prends mon repas au restaurant Ibis. C'est pas mal du tout : une assiette du Sud (Carpaccio de bœuf, filet tartare, des micro-crêpes), excellente même et très légère. Est-ce que la faim et la fatigue seraient les meilleurs cuistots ?
3) Metz - Jouy-aux-Arches 13 km
23 mai : Il fait beau et déjà assez chaud tôt le matin. Avant la visite obligatoire de la cathédrale afin d'obtenir le tampon le crédencial je me procure de la crème solaire dans une pharmacie. C'est samedi et jour de marché à Metz. Je flâne donc parmi les étales tout en attendant l'ouverture de la boutique de la cathédrale à 9.00 heures ou je crois recevoir le tampon pour le crédencial. En réalité c'est le doyen de la cathédrale même qui s'en occupe. Le doyen me souhaite une bonne continuation de mon chemin. Puis je retrouve l'Allemand d'hier, lui aussi à la recherche du tampon. Ensemble nous faisons encore une promenade autour du Temple Neuf, puis je continue mon chemin tout seul. Eckart-Heinz ou Heinz-Eckart, peu n'importe, ce cher allemand me parle trop. Le chemin d'aujourd'hui, c'est carrément le GR reliant Metz à Nancy. Des kilomètres longeant la Moselle, en fait un canal appartenant à la Moselle et toujours bien à l'ombre. Le sentier est fort fréquenté par les citadins. L'étape ne compte que 13 km, j'arrive déjà à midi pile à Jouy-aux-Arches. J'ai réservé une chambre dans un hôtel Campanile qui se trouve dans une zone industrielle. Ceci ne s'avère pas grave du tout, car il y a un certain choix de restaurants pas chers. Je choisis le « Crocodile », un restaurant avec une grande salle entouré des 2 côtés de vieux wagons de chemin de fer où l'on peut s'installer également. Le restaurant propose une formule buffet et boissons à volonté. Après le déjeuner je fais une grande sieste pour me reposer des 2 étapes précédentes très dures et pour préparer la suivante qui aura de nouveau 29 km.
4) Jouy-aux-Arches - Pont à Mousson 29 km
24 mai : Le chemin commence comme il finissait hier, toujours le long du canal. Ars sur Moselle avec son écluse, Ancy sur Moselle puis Dornot, une petite montée, beau village, belle vue jusqu'à Arnaville (d'antan village frontalier entre la France et l'Allemagne). Il fait de plus en plus chaud et je compte bien manger et boire à Pagny (4000 hab.). Hélas le balisage et mon guide sont d'autre avis et me conduisent tout autour du bourg sans passer par le moindre bar. A Vandières je trouve heureusement une station service ouverte qui vend des boissons fraîches. Il fait maintenant plus de 30°C. Tout juste avant une très raide montée il y a des bancs et des tables Pique-nique joliment placés, mais hélas pas une once d'ombre. Quelques mètres plus loin j'aperçois un minuscule carré d'ombre abritant un mince filet d'eau. Tout heureux, j'ôte mes chaussures et trompe mes pieds brûlants dans cette petite source bouillonnante qui rafraichît si agréablement l'atmosphère. Après une bienfaisante petite pause je continue sur un sentier poussiéreux qui me mène, après quelques centaines de mètres, au sommet d'où je vois enfin Pont à Mousson. Content d'être enfin arrivé je me précipite vers mon hôtel réservé pour constater que celui-ci est fermé. Il faut imaginer : une soif atroce, la faim qui vous déchire les tripes, les pieds brûlants, tout mouillé de sueur, crevé, sans la moindre goutte d'eau restante. Et puis on se retrouve devant un hôtel fermé qui abrite cette chambre tant désirée qui fut réservée il y a 2 mois pour être sûr. Dans la vitre de la porte d'entrée il y a une pancarte avec un numéro de téléphone. Je compose le numéro indiqué et un répondeur automatique me demande ce que je pouvais bien vouloir. J'explique mon cas, que je venais de faire 30 km à pied dans une chaleur époustouflante etc....pour me retrouver devant un hôtel fermé. Dix minutes plus tard mon GSM sonne. Un homme me promet d'être sur place dans dix minutes. A son arrivée il me dit que son hôtel est bien fermé jusqu'à 17 heures et que c'est même marqué sur mes paperasses. Je m'excuse de l'avoir dérangé.
Le soir, sur la place avec les arcades, une pression pour rééquilibrer les vitamines. Au restaurant « Bonaventure » avec une belle terrasse sous les arcades je me gâte: carpaccio de coquilles de St. Jacques en entrée, en plat une brochette de bœuf aussi géante qu'exquise, accompagné de pommes de terre grand-mère et sauce à la moutarde à l'ancienne, un Cola light géant, un quart de rosé, un café...ah! Oui, j'avais presque oublié, des olives et des bretzels en apéritif et du pain d'une qualité rare). Un truc qui vaut vraiment la peine d'y retourner avec ma bien-aimée.
5) Pont à Mousson - Custines 22 km
25 mai : Le petit déjeuner promis pour 7 heures est reporté à 7.10 hrs respectivement 7.20 hrs. Monsieur n'a probablement pas l'habitude de se lever si tôt, il ne vient qu'à 7.10 hrs avec quelques baguettes sous le bras pour me dire, « juste 10 minutes encore ». Mon départ est donc retardé et cela avec des prévisions météo de canicule (30°C et plus) pour aujourd'hui. Une raison de plus de fréquenter dorénavant plutôt des hôtels Ibis ou similaires.
Avec toute cette panique j'oublie évidemment de remettre la clé de la chambre, mais je ne le remarque que 10 km plus loin. Espérant que le gérant de l'hôtel tient encore mon numéro j'active mon portable. Peu après le téléphone sonne. Monsieur comprend vite que je ne puis absolument pas faire demi-tour pour lui rendre sa clé. Il me propose alors de déposer la clé dans un bar à Dieulouard, ce qui est fait. Je continue mon chemin en toute tranquillité et traverse la Moselle pour la énième fois. Je passe les patelins de Pont de Mons, Autreville et Mellery. La chaleur commence à devenir insupportable. En plus, entre Mellery et Custines l'autoroute passe à côté de la D40. Les 5 km entre Mellery et Custines n'en finissent pas. Je passe « l'Hostellerie de l'île », il y a encore 2 ou 3 km pour Custines. Arrivé enfin à Custines je constate que mon hôtel n'existe nulle part. J'entre dans une boulangerie pour m'informer auprès du boulanger. Même celui-là ne connait pas un hôtel nommé « Hôtel des vallées ». Il appelle donc sa tante pour être sûr, parce qu'il n'est pas du village. Celle-ci lui explique que cet hôtel existe bel et bien, mais sous une autre dénomination, celle de « Hostellerie de l'île » D'un côté je me réjouis que l'hôtel existe, mais de l'autre côté je suis fâché parce que je viens de passer là devant il y a une demi-heure. Je me sens incapable de rebrousser chemin avec cette chaleur atroce. Sans hésiter le boulanger prend sa clé de voiture (sa camionnette de service) et me conduit à l'hôtel. Génial, super sympa alors !! Je lui remercie infiniment et lui promets de revenir le lendemain matin pour acheter mes croissants. Désolé, me dit-il, demain c'est mon jour de repos, la boulangerie restera fermée. Bon, merci, grand merci alors !
Le patron de l'hôtel me demande si je veux une chambre fumeur ou non-fumeur. Si j'ai le choix je prends une non-fumeur. Il me donne une chambre non-fumeur spacieuse pour ne pas dire un appartement avec climatisation. Le soir je me gâte au restaurant « Sabbatini » juxtaposé à l'hôtel. Je n'ai rien eu à croquer à midi sauf une toute maigre petite pomme, bien chauffée dans mon sac à dos. Alors à l'attaque !!! Une bonne adresse d'ailleurs.
6) Custines - Nancy 17 km
26 mai : Aujourd'hui petit déjeuner sans discussion, sympathique. Le ciel est très couvert ce matin et il y a un peu de vent. Je prends mes dispositions pour me protéger contre la pluie. Les 2 premiers km, je les connais déjà, je les faisais déjà hier pour arriver à Custines. Puis viennent Bouxières-aux-Dames, Champigneules où il y a une grande brasserie et à partir d'ici je marche de nouveau le long du canal sur le GR qui relie Metz à Nancy. Très agréable ce chemin de trait du canal de la Marne au Rhin qui se trouve à côté de la Meurthe. C'est compliqué non? La rigueur du canal est égayée par quelques bateaux de plaisance. Le chemin mène pratiquement jusqu'au centre de Nancy. Par le parc de la Pépinière j'entre dans Nancy, directement sur la Place Stanislas, mondialement connue. Je trouve assez vite mon hôtel, « Hôtel Américain » vieux et un peu délabré. Il y a encore des sols et plafonds en bois qui n'absorbent pas les bruits des hôtes, par contre on n'entend pas le bruit du Tram qui passe devant parce qu'il y a un double vitrage. Je prends une bonne douche et fais une petite sieste. Dans le petit restaurant libanais que je choisis ce soir il n'y a ni vin ni bière libanaises, mais une bière grecque, la Mythos, les plats cependant sont succulents.
7) Nancy - Toul 27 km
27 mai : Après un petit déjeuner correct, je reprends le chemin. Je traverse Nancy et ses faubourgs pendant 7 km. Peu n'importe, c'est particulièrement intéressant d'observer les mouvements matinaux d'une grande ville. Rien qu'à voir tous ces gens occupés pour le nettoyage et la propreté de la ville. Des véhicules spéciaux de toutes sortes circulent partout et font de « Grand Nancy » une ville nickel. C'est tout à fait le contraire de Pont-à-Mousson qui était très sale. Suivent 10 km à travers la forêt, le poumon vert de Nancy. Pendant ces 10 km je ne rencontre personne. Les premières maisons n'apparaissent qu'à partir du km 20, Villey-le-Sec, un village médiéval entouré de remparts. D'ici on aperçoit Toul pour la première fois. Avant d'arriver à Toul il y a encore le bourg de Dommartin-lès-Toul à traverser. Après un pont surplombant une ancienne ligne SNCF et 2 bras de la Moselle me voilà devant la cathédrale de Toul. Proche de la cathédrale à l'office du tourisme une femme à l'accent allemand me reçoit. Elle téléphone à mon hôtel « ABC » pour savoir comment je puisse rentrer parce que la réception n'ouvre qu'à 18 heures. Je dois faire un « Check-In » moyennant ma carte de crédit et mon numéro de réservation et cela fonctionne parfaitement. En entrant dans la chambre je m'étonne un peu, j'ai encore en bonne mémoire l'hôtel « ABC » à Burgos l'an passé. Là c'était presque le luxe tandis qu'ici c'est la fin de la guerre tout au plus. Bon, c'est propre, mais quel mobilier. Chez IKEA on ne trouvera pas une qualité aussi minable. Tout cela est peut être lamentable mais pour le pauvre pèlerin que je suis !!! En tant que pèlerin on est toujours content d'être à l'abri tout simplement. Fini semblent les jours glorieux de Toul. Pour un fana d'architecture, Toul vaut sûrement le détour. Je ne veux pas dire que Toul est déplaisant et laid mais l'appauvrissement de la ville est bien trop visible, dommage. Un touriste normal ne reviendrait plus. Je compte plus de Pompes Funèbres que de restaurants. A propos Pompes Funèbres, il y a un cimetière géant à Toul et un gigantesque hôpital ? C'est funeste. En plus, l'après-midi j'avais dégusté un Croque M...ort.
Je dîne chez un Chinois.
8) Toul - Vaucouleurs 25 km
28 mai : 7 heures : petit déjeuner en bas dans la brasserie, il n'y a plus de beurre, je tartine 2 morceaux de baguette avec de la confiture abricot, dégueulasse. Il ne pleut pas encore. Le début de chemin n'est pas beau du tout, une départementale fort fréquenté jusqu'à Ecrouves. A Foug j'entre dans les bois et puis je ne rencontre plus personne pendant la journée, j'aime la solitude. A Foug il se met à pleuvoir, mais rien qu'un petit crachin, juste assez pour mettre la pèlerine, (Dany Boon a totalement raison avec sa description de l'usage d'une pèlerine). Aujourd'hui il y a plusieurs occasions pour faire erreur de chemin. Je suis sûr et certain qu'aujourd'hui j'aurais fait erreur si je n'avais pas eu de la chance, du hasard, carte IGN, GPS et Dieu. En réalité 2 pèlerins précédents ont bien faits, ils ont laissés aux points critiques leurs coquilles et ont marqué la bonne direction dessus. Mon petit guide ne parle que d'une seule coquille, c'est-à-dire un 2e pèlerin doit avoir répété l'exemple très louable, après parution du guide. Mais quelle coquille est celle mentionnée dans le guide. Les situations sont identiques et ma confusion totale. Tant pis, la direction semble la bonne. Je me demande pourquoi la France n'accorde pas plus d'importance au bon balisage du chemin, il y a quand même pas mal de Jacquaires dans toute la France. Quoiqu'il en soit, je suis sur le bon chemin. Le dernier tiers du chemin est ennuyant, il passe de nouveau par une départementale pendant environ 7 km, sans village ni distraction. C'est d'ailleurs pour cette raison que je prends quelques photos de fleurs. Mon hôtel semble un peu obsolète vu de l'extérieur, mais les chambres sont belles, bien que sans toilette mais avec douche. Les mûrs ne sont pas très épais et les allemands qui occupent la chambre voisine parlent tellement fort, impossible de faire une sieste sous ces conditions. Je décide de faire la visite du village. Jeanne d'Arc est omniprésente ici, c'est le village qui avait armé Jeanne pour sa croisade. Le restaurant : bon mais pas pour perdre des mots. Deux jeunes Allemands attablés à côté de moi trouvent que j'ai un accent like Léa Linster.
9) Vaucouleurs - Domrémy-la-Pucelle 24 km
29 mai : Juste avant de partir je rencontre devant l'hôtel un autre Jacquaire, un Allemand. Peter est un personnage agréable. Il est commissaire de police à Kerpen, près de Cologne, il a 50 ans. Comme nous avons beaucoup de points en commun, nous faisons l'étape ensemble. On a beaucoup à se raconter et le temps passe vite. On ne compte même pas les kilomètres à parcourir. En cours de route on passe devant le château de Mobrans. Une bâtisse énorme avec cour intérieure et pelouses, de gros arbres aussi vieux que le château. Le château fonctionne comme hostellerie et Peter veut entrer pour prendre un café. Je frappe à la porte et un homme nous ouvre. Nous demandons un café et Monsieur nous répond, « bien sûr mais cela va vous coûter cher, entrez alors » tout en souriant. Il nous sert 2 petits noirs excellents et puis il nous permet de visiter un peu les lieux. «Vous pouvez même prier pour moi dans notre chapelle » dit-il et nous laisse. Il doit préparer un mariage dans le château avec quelques 300 invités. Arrivé à Domrémy-la-Pucelleje trouve de suite « Le Clos de Domrémy » où j'ai réservé ma chambre. Peter a réservé sa chambre juste en face chez quelqu'un de peu sérieux : la maison fermée, le propriétaire introuvable. Apparemment il est assez connu pour ses pratiques peu louables. Finalement Peter a la chance de recevoir un appartement entier chez mon propriétaire. Le patron me promet de m'emmener à la gare de Neufchâteau le lendemain. D'habitude il fait ses courses dans la petite ville. Domrémy-la-Pucelle est le village natal de Jeanne d'Arc. Il y a d'abord la maison où Jeanne naquit, puis un musée, 2 bistrots-restaurants et, sur les hauteurs du village, la basilique dédiée à Jeanne et ses parents. A côté de la basilique se trouve l'accueil du pèlerin, un hôtel-restaurant géré par des sœurs de missions. Nous y mangeons, je dirai bel et bien, le meilleur plat sur le chemin entre Schengen et Domrémy. Pour conclure en toute beauté ma dernière étape de la saison nous prenons encore 2 pressions au village et hop au lit.
10) Domrémy-la-Pucelle - Neufchâteau
30 mai : Petit déjeuner dans ma chambre « Victor Hugo ». Toutes les chambres de l'hôtel « Clos de Domrémy » sont thématisées. L'une d'entre elles s'appelle « Napoléon III ». Les chambres sont équipées de percolateurs et de tout ce qui pourrait s'avérer nécessaire pour la préparation d'un bon petit déjeuner. Tout est bien aménagé et bien entretenu par ce couple vraiment sympathique. Monsieur et Madame me proposent de revenir en famille et de prendre l'appartement pour une semaine. Une semaine au calme, des promenades dans les bois, la cueillette de champignons ou de fraises ou tout simplement le repos au grand jardin de la villa. Il y a même un sauna et une salle de fitness.
En route pour Neufchâteau en voiture cette fois-ci. Je prends congé du patron et flâne encore un peu à travers la ville, c'est le jour du marché. A 10.25 heures il y a un train venant de Lyon pour Metz, puis changement de train à Metz pour Luxembourg.
Chapitre
3
De Domrémy-la-Pucelle (F) à Vézelay (F)
En route pour Compostelle
De Domrémy-la-Pucelle à Vézelay
1) Départ
21 mai : Un ultime déjeuner avec ma bien-aimée dans la couscoussière Hoggar, dit Häggar le Terrible, à Thionville avant de prendre le train à 14.55 hrs en direction de Nancy puis Neufchâteau. Pour arriver à Domrémy-la-Pucelle je prends un taxi car il n'y a plus de liaison de transport en commun aujourd'hui. Comme l'an dernier j'ai réservé une chambre au "Clos de Domrémy ». Pour m'habituer à la marche je me promène jusqu'à la basilique du Bois Chenu (ca. 3km aller et retour) où je me donne de pleine joie au plaisir de la table du restaurant du « Pèlerin » toujours géré par des religieuses noires.
2) De Domrémy-la-Pucelle à Cirfontaines-en-Ornois (26 km)
22 mai :Je reprends mon chemin là où je l'avais arrêté en 2009, dans le village natal de Jeanne d'Arc. Il fait très beau ce matin et le chemin me mène par de minuscules hameaux jusqu'en Champagne. Les Roises, Vaudeville-Le-Haut, Dainville, Chassey-Beaupré, les derniers villages lorrains et puis le 1er village en Champagne, Cirfontaines-en-Ornois. Rien de spectaculaire en cours de route, mais à remarquer que je n'ai rencontré que 2 voitures et 3 tracteurs pendant tous ces 26 km. Un calme inhabituel et bienfaisant. Mais il faut noter que la région ne compte que 31 habitants/km2 voire 10 le long de mon chemin. Conséquences : il n'y a pas de gîtes et le propriétaire du « Clos de Domrémy » vient me chercher à Cirfontaines pour me ramener à mon point de départ. Il me reconduira à Cirfontaines demain pour que je ne rate pas un kilomètre.
Après mes préparations pour demain il me reste plein de temps pour visiter le musée et la maison natale de Jeanne d'Arc. Il n'y a pas grand monde, je suis même l'unique visiteur. A l'intérieur du musée un film dépeint l'enfance et l'adolescence de Jeanne. Ce film est accompagné d'une musique médiévale sublime. Et tout ce cinéma rien que pour moi ! Pour conclure dignement cette soirée je choisis le restaurant « Jehanne », un peu cher évidemment mais aujourd'hui au début de mon périple je suis encore un pèlerin de luxe.
Un petit pastis, en entrée la terrine de gibier maison avec son chutney de figues et en plat de résistance un filet de bœuf sauce au poivre et ses pommes paillasson, un demi pichet de rouge pour ne pas exagérer vu les prix de cet établissement.
En prime, comme déjà au cinéma je suis l'unique hôte ce soir. Une addition un peu salée attend le pauvre pèlerin.
3) De Cirfontaines-en-Ornois à Joinville (21 km)
23 mai : A 8 heures petit déjeuner copieux servi par le chef lui-même. Comme promis il me ramène à Cirfontaines où je continue la route. Mon chemin menant par les hameaux de Harméville, Soulaincourt, Sailly et Poissons (jumelé avec Avril), Suzannecourt me plaît beaucoup. La fin de l'étape, Joinville me déçoit d'autant plus. Une petite ville de 4000 âmes tout de même et tout est fermé. J'aurais dû le savoir, c'est dimanche et les dimanches en France, on ne le sait que trop bien. Mon hôtel est fermé comme tout, cela me rappelle mon aventure l'an dernier à Pont-à-Mousson. Mais je suis un pèlerin avisé maintenant et j'appelle donc le numéro indiqué sur la porte d'entrée. Une gentille voie d'homme me renseigne sur le « code de dimanche », un code de 5 chiffres qui me permet d'entrer à l'hôtel. Une belle chambre tout confort mais hélas un restaurant fermé les dimanches. Le patron me conseille d'aller à la Pizzeria, manque de choix. C'est le seul restaurant ouvert dans cette ville morte. Au moins j'ai une belle vue sur la Marne depuis la terrasse de la Pizzeria. La pizza vosgienne n'est pas des meilleures, mais soit.
4) De Joinville à Colombey-les-2-églises (38 km)
24 mai : Aujourd'hui je suis obligé de tricher : 38 kilomètres devant moi et la canicule + 30°C annoncée. C'en est trop, je fais la marche et non la guerre. Un taxi m'amène jusqu'à Abonville, à partir de là il me reste toujours 18 km pour Colombey, alors triché ou pas ? Pas de question ! Un chemin vallonné, doux et beau à la fois et pas toujours facile.
Un petit garçon de 10 ans m'accompagne à vélo entre les trois kilomètres qui séparent les patelins de Champcourt et Harricourt. La petite rue montant en permanence il n'est pas plus rapide que moi à pied. Il veut tout savoir, d'où je viens et où je vais. Il est assez curieux mais témoigne de bonnes manières, un garçon bien éduqué quoi.
Encore 2 villages, Biernes et Argentolles avant que je n'arrive à Colombey-les-2-églises. Avant d'aller à l'hôtel je tiens à faire mes hommages à Monsieur Le Président de la République, le Général Charles de Gaule. Il est enterré sur le petit cimetière près de l'église. La tombe est très sobre, le haut du caveau orné uniquement d'une petite croix en fer, le tout entouré d'une centaine de petites plaquettes en marbre dédiés au général par des gens reconnaissants et admirateurs, pour la plupart des militaires.
Des gendarmes veillent jour et nuit à ce qu'il n'y ait jamais du vandalisme autour de la tombe. Après la visite je m'installe au restaurant juste à côté sur une terrasse bien ombragée. Le déjeuner n'est pas mauvais du tout mais beaucoup de clients grognent parce que le personnel est mal organisé. Après un délicieux café je gagne mon hôtel, je prends une bonne douche, lave mes affaires et m'accorde une petite sieste. Mon programme prévoit encore la visite du mémorial et de la croix lorraine. Deux heures ne suffisent guère pour la visite du mémorial, c'est vraiment un bijou ce musée. La croix lorraine est énorme, d'ailleurs on pouvait l'admirer à longueur de journée. Retour à l'hôtel pour le dîner - Menu à 26€
En apéritif un ratafia de champagne et ses amuses bouches. Salade de toasts au chaource et magret de canard, très rafraîchissante puisque accompagnée de fruits et légumes. En plat, mignon de porc au miel et citron, délicieux. Au niveau fromage je ne choisis que 2 différents et pour rester dans la région, un Chaource et un, excusez l'expression, un putain de Langres, ça goûte comme ça pue, je n'en dis pas plus. Et pour finir le tout en beauté une mousse aux vraies fraises de Plougastel avec un peu de chantilly. Pour arroser le tout une demi-bouteille de Muid Montsaugeonnais, cela ne me dit rien mais en fait c'est un rosé local très bon. Ah oui, j'aurais presque oublié, un Perrier et un café. Demain j'aurai l'occasion de brûler tout ça.
5) De Colombey-les-2-églises à Clairvaux (13 km)
25 mai : Journée facile. 13 kilomètres seulement. Un chemin forestier qui mène à travers une énorme forêt et pour la plupart du temps bien ombragé. Rien de spectaculaire en cours de route et les 2 derniers kilomètres une départementale pour arriver à Outre-Aube. Comme son nom laisse deviner nous sommes dans le département Aube. Sur la rive gauche se trouve Outre-Aube et sur la rive droite se trouve Clairvaux. Mon hôtel "de l'Abbaye" s'avère une catastrophe, la chambre 1 au 1er étage avec escaliers en bois, du mobilier un peu rétro, style années 50, des armoires dont les portes ne ferment plus. La pomme de la douche ne se laisse plus fixer au mur, la chasse d'eau qui coule toute la nuit, mais pour un pauvre pèlerin il suffit d'avoir un toit pour se protéger. Puisque je suis arrivé assez tôt, je fais le tour du village. En fait, le village se compose de quelques maisons et de l'abbaye. Comme c'est monnaie courante en France, l'abbaye est visitable à telles heures les mardis et jeudis et à telles heures les autres jours et le tout sans garantie. De toute façon lors de mon passage c'est fermé. La majeure partie du cloître appartient aujourd'hui au Ministère de la Justice et on y a installé une des plus grandes prisons de France. En somme, un village mort. Je retourne à mon hôtel délabré et je bois 2 pressions à cause des vitamines B bien sûr. Je demande à la patronne s'ils acceptaient la carte bleue. Si non je ne saurais quoi faire, car depuis des jours je n'ai pas rencontré de distributeur de billets et surement pas ici dans ce coin oublié de la France et certainement pas dans les prochains jours. Une réponse positive me rassure. Après une grande sieste provoquée par l'ennui une faim atroce me réveille et m'oblige à rendre visite au « restaurant » de l'hôtel faute de mieux. Le restaurant également look fifties avec un buffet à volonté, céleri, carottes, jambon, terrine et l'une ou l'autre mouche.
En plat, bavette à l'échalote et frites (pas si mal que ça) ensuite une mousse au chocolat. En résumé, un endroit à éviter. J'espère que le « repas » ne me fera pas vomir. Je n'aurais pas imaginé qu'une telle baraque ait le droit de porter le nom « hôtel » de nos temps.
6) De Clairvaux à Essoyes (23 km)
26 mai : Ce matin s'annonce mal, il pleut.
Le petit déjeuner consiste en 2 morceaux de baguette toastés, 6 ?? pièces de beurre et 4 macarons en couleurs. Tout le monde se regarde et certains osent réclamer un peu de confiture. La patronne répond : »Je vais voir s'il en reste ». Après son retour je pose la même question et moi aussi je reçois une cuillerée de cette mélasse précieuse. Table pour table même scénario. Incroyable allez-vous me dire mais c'est la vérité. Le café venait d'un percolateur à l'ancien, un seul café pour chacun et il ne fallait pas en redemander. Lors de mon payement par carte bleue le ticket reste coincé dans la machine. Alors là, trop c'est trop. Adieu et à ne plus jamais nous revoir. Heureusement il ne pleut plus néanmoins j'entame mon chemin avec mes vêtements de pluie que j'ai mis ce matin. Mais je dois me changer très vite parce qu'à l'intérieur de ma veste je suis aussi mouillé qu'à l'extérieur.
Une montée de 8 km à travers un bois le long d'une route départementale, ennuyeux. La seule distraction, une petite chapelle romane entourée de bancs où il fait bon se reposer sous des tilleuls géants. Après la chapelle il me reste un km avant d'atteindre le premier village autorisé à produire du Champagne. Champignol-Les-Mondeville. Encore une rude montée de quelques 9 km jusqu'à St. Usage à travers un paysage un peu plus joli que ce matin. Mais à partir du Plateau de Blu je serai pleinement récompensé. Une vue extrêmement belle sur les vignobles de Champagne s'offre à moi et des petits chemins et sentiers me guident jusqu'à Essoyes, un beau village où a vécu et travaillé Pierre Auguste Renoir, peintre réputé. Hélas son Atelier visitable est encore fermé. Mon hôtel « Les Canotiers » se trouve sur le côté opposé du village. A mon arrivée il se remet à pleuvoir, quelle chance ai-je donc eu. Je m'occupe de mes affaires et fais une bonne sieste comme cela se doit pour un bon pèlerin. Ce soir le restaurant avec vue panoramique sur Essoyes me fait oublier la mauvaise expérience d'hier. Puisqu'on est en Champagne, une coupe avec ses amuses bouches (carpaccio de bœuf avec parmesan et huile d'olives), en entrée une terrine de saumon avec un marc de Champagne ?!, en plat un pavé charolais au camembert et purée, puis le chariot de fromage (Chaource, Chablis et Soumaintrain), un régal. En dessert la pyramide au 3 chocolats. 1 café, 1 Badoit et un demi de Bourgogne ouvert. Je n'aurai pas cru qu'une journée commencé si moche pourrait se terminer si plaisant. En somme une journée réussie malgré un mauvais départ.
7) D'Essoyes à Les Riceys (17 km)
27 mai : Après un petit déjeuner très correct je marche à travers la petite ville pittoresque si chère à Renoir.
Au programme aujourd'hui un paysage très vallonné, des vignobles, des bois, des champs, des ruisseaux et des petits fleuves. Je franchis aussi la Seine. Dans les montées je remarque que je me suis habitué maintenant à la marche. Je suis en pleine forme. Il ne pleut pas mais il semble vouloir commencer à tout moment. Mon hôtel « Le Marius » à Les Riceys figure dans le guide "Hôtels de charme" et son restaurant avec cave voutée est cité dans le « Guide Michelin ». Un couple luxembourgeois y séjourne aussi par pur hasard parce que l'Automobile club leur avait proposé cet hôtel. Ils sont tellement intéressés par mon chemin qu'ils ont décidé sur place à le faire aussi un jour.
Point de vue gastronomique, il y a le menu « Tradition », 1 coupe de Champagne avec ses amuses bouches (mousse de carottes), en entrée duo de terrine maison avec confits d'oignions. Il existe un « Rosé des Riceys » qui est très léger et très bon. En plat la gigolette farcie de canard suivi d'un mesclun de 3 fromages locaux. Mais dit donc, ils ont un très bon rosé par ici. Le dessert, une coupe « Marius », (de la glace praliné avec chantilly et comme décor une tomate jaune. A force de me répéter : ils ont un très très bon rosé ici. Un café et ses garnitures. Zut, que des calories à brûler demain.
8) De Les Riceys à Étourvy (24 km)
28 mai : Au petit déjeuner je suis installé seul au 1er étage près d'une fenêtre avec une belle vue sur l'église. A la sortie de l'hôtel le couple luxembourgeois me salue et me souhaite un bon chemin.
Je dois encore préciser que Les Riceys sont nommés ainsi parce que le village est composé en fait de 3 Riceys à savoir : Ricey-Bas, Ricey-Haute-Rive et Ricey-Haut.
Une journée de grande solitude s'annonce. A travers les 3 Riceys on voit bien où habitent ceux qui travaillent dans le Champagne. Le chemin ne me plaît pas tellement, bien qu'il mène par champs et forêts. Les villages rencontrés s'appellent Bagneux-La-Fosse, Bragelogne, Villiers-Le-Bois et Étourvy.
Étourvy est un paisible village où cigognes, canards et autres oiseaux aquatiques font le seul bruit que l'on puisse entendre autour de l'étang dans le bourg. J'ai réservé une chambre au « Foyer Rural de Grand Secteur », un vieux château un peu vétuste dans un grand parc avec quelques dépendances. Un monsieur sympa me montre ma chambre vieille comme Mathusalem, 2 lits simples et un équipement très basique, salle de bains à l'étage.
Monsieur me fait savoir qu'il y aurait encore 2 autres pèlerins qui viendraient et qu'il aurait dressé la table dans une des dépendances. Tout a été préparé, 2 pichets de rouge bien refermés et au frigo une salade de pommes de terre avec de la viande à réchauffer aux micro-ondes et même pour le petit déjeuner il y a du pain coupé dans un récipient pour qu'il ne durcisse pas.
Les 2 autres pèlerins sont des étudiants allemands de Cologne. Ils n'arrivent qu'à 19 hrs et je leur propose de prendre d'abord leur douche pour manger ensemble après. Hélas Dominique et Sébastien que je trouve très sympathique finiront leur périple demain et prendront leur train pour Paris à Tonnerre.
9) D'Étourvy à Tonnerre (20km)
29 mai : Je prépare moi-même le café et pars de bonne heure d'Étourvy. Il fait beau et le chemin monte en flèche directement à la sortie du bourg. Une grande solitude et un calme absolu règnent sur le chemin herbeux. Je rencontre un lièvre, 2 lapins et même un paon. 3 panneaux de signalisation en bois avec des coquilles font référence au chemin de St. Jacques.
J'arrive au 1er village de Bourgogne, Mélisey dans le département de l'Yonne (89) et puis Chamelard. Pour atteindre la ferme de Casse-bouteille je me trompe de chemin et je fais 2 km en vain, la description dans mon guide n'étant pas très claire. Demi tour, on prend les mêmes et on recommence. Mais cette fois-ci je demande à un habitant qui m'explique la bonne direction. Enfin, ca y est et je continue mon chemin jusqu'à ce que, en pleine forêt, se présente une bifurcation pas énuméré dans mon guide. Il n'y a pas le moindre marquage et naturellement je choisis la fausse piste. Le sentier devient de plus en plus étroit et la végétation de plus en plus dense. Finalement la piste devient carrément infranchissable. Je donne la responsabilité aux Français qui sont apparemment incapable de baliser un chemin correctement. Heureusement j'ai mon I-phone sur moi et pour la 1re fois depuis le début de mon périple il se rend utile avec son GPS et ne me laisse pas en plan. Il me guide avec certitude hors du bois. Pour aujourd'hui je ne fais plus confiance en mon guide et je prends la départementale N° 202 jusqu'à Tonnerre.
A Tonnerre c'est le jour de marché et je m'offre un Kebab. A l'Hôtel du Centre ma chambre n'est pas encore prête, alors je fais une visite de la ville, Hôtel Dieu, la Fosse Dionne...
10) De Tonnerre à Chablis (18 km)
30 mai : Ce matin il pleut dès le départ. Mais il faut vivre avec, c'est part du chemin. Pour la première fois je mets ma pèlerine qui protège également mon sac à dos. En soi une bonne affaire mais là encore, en moins de 5 minutes on est aussi mouillé à l'intérieur qu'à l'extérieur. C'est d'ailleurs pourquoi mes rêves solitaires et mon imagination ont inventé la cabine pèlerine, sorte de cabine téléphonique, légère, transparente et auto pliante comme un parapluie.
Contrairement à ce que le guide propose je prends la route nationale qui mène directement à Chablis sans détours à cause du mauvais temps. N'ayant pas eu de petit déjeuner ce matin, j'arrive très tôt à Chablis, vers 11 hrs. C'est le jour de marché qui se déroule dans toutes les rues. Hier, j'ai goûté au Chablis pour 3,20 €, aujourd'hui j'en suis à un premier cru pour 5,80 €. Il faut savoir, il existe 4 catégories : Petit Chablis - Chablis - 1er Cru et Grand Cru. Celui de hier était probablement un petit Chablis destiné aux pauvres pèlerins. Le 1er cru est à l'occasion du déjeuner au restaurant. Duo de saumon épicé suivi d'un confit de canard, tellement bon que je me suis demandé pourquoi ce canard n'avait qu'une seule jambe, canard handicapé en quelque sorte. Encore 2 fromages locaux et...tarte tatin. Je remarque que ma bien aimée me manque de plus en plus. Le personnel ne demande pas si les plats sont bons peut- être savent-ils que la question est superflue.
Après un gros dodo (on s'habitue vite à la sieste) et puis une discussion politique télévisé avec le concours de Ségolène Royal il est fort temps de s'occuper du dîner. Les centaines de visiteurs du marché du matin ont disparus et comme il est dimanche, ... on connait l'histoire, un seul restaurant reste ouvert ce dimanche soir dans ce Chablis si réputé. Une véritable auberge bourguignonne "Le vrai Chablisien" qui fait une cuisine authentique, simple et bonne. A noter peut être la crème brûlée au chocolat que j'ai fortement appréciée.
11) De Chablis à Auxerre (24 km)
31 mai : Après le petit déjeuner frugal je me mets en route pour Auxerre. Par ce beau temps Chablis se présente de son meilleur côté. Après le 1er village, Milly, le chemin monte presque verticalement. Une fois arrivé sur la crête je prends tout mon temps pour me reposer et me régaler d'une merveilleuse vue. En premier plan, Milly entouré de ses vignobles et à l'arrière plan, Chablis. Je reprends ma marche qui mène maintenant à travers les vignobles. Du côté gauche pousse un vin très noble qui appartient à la « Côte de Léchet », long de 2 km et large de 500 m. Tapez ces 3 mots dans votre ordinateur et Google vous trouvera 22.200 entrées. Probablement c'est le vin le plus noble sur le chemin de Vézelay voire St. Jacques de Compostelle. Après une montée il y a toujours une descente, donc je descends jusqu'à l'étang de Beine puis le village de Beine toujours à travers les vignobles. Entre Beine et Venoy je longe un sentier parallèle à la Départementale N°965 pendant au moins 2 km sans vraiment la voir. C'est ici que je goûte aux premières cerises de l'année, il y a des dizaines de cerisiers ornés de belles boules rouges. A l'occasion je remarque qu'il n'y a ni corbeaux ni pies pour dévorer ces délicieux fruits comme ça se passe avec mon unique cerisier. Puis un pont reliant les deux côtés de la percée de l'autoroute menant de Dijon à Auxerre. À partir du hameau d'Egriselles le chemin traverse les vastes étendues jaunes des champs de colza et m'offre des vues magnifiques sur Auxerre et sa cathédrale. Mon hôtel « Ibis » se situe sur la rive gauche de l'Yonne tout juste devant le pont "Paul Bert" et son port de plaisance. Auxerre est une ville de quelques 40.000 habitants et sa vieille ville est nichée sur une colline. Elle déborde de bistrots, restaurants et petits commerces invitant à la détente et au séjour allongé. La majeure partie de la ville a su conserver ses belles vieilles demeures parce qu'il n'a pas eu de dégâts durant les 2 guerres. La cathédrale fut construite au 5e siècle. Zut !, la carte mémoire de mon appareil photo est pleine, je ne peux pas faire de photos de la cathédrale et de la ville illuminées, vraiment dommage
12) D'Auxerre à Cravant (19 km)
01 juin : Je suis debout de bonne heure mais je dois attendre l'ouverture des magasins (09 hrs) pour acquérir une nouvelle carte mémoire. Alors, plein le temps pour le petit déjeuner chez Ibis et puis une petite promenade dans la ville. A 09.00 heures piles le supermarché « Leclerc » non loin de mon hôtel ouvre ses portes. Une centaine de clients attendent l'ouverture depuis un bon moment. Lors de l'ouverture il y a même une mémé qui se coince dans la porte tournante au moment où celle-ci commence à tourner. Ma carte est vite achetée et rapidement j'entame l'étape d'aujourd'hui qui promet beaucoup. Presque tout le chemin longe le canal du Nivernais. Cet ancien chemin de halage sert aussi comme piste cyclable. Je passe près du stade du célèbre AJC Auxerre, le Canoë-club et l'école de ski nautique, la piscine ...
Je traverse le village de Vaux, et puis, tient, le village de Champs-sur-Yonne, jumelé à Fell/Moselle en Palatinat-Rhénanie en Allemagne. Suivent Vincelles, Vincelottes et Cravant, fin de l'étape. A l'entrée de la petite ville médiévale de Cravant je trouve le 1er panneau indiquant la fin de mon périple « Vézelay 33 km ». Dans un bar je prends deux pressions à cause des vitamines si chères et nécessaires ! aux marcheurs et un café parce qu'il me semble bien que j'ai un petit manque de petits noirs.
Ma chambre dans l'Hostellerie St. Pierre n'a pas de numéro mais un nom « Meursault », d'ailleurs toutes les chambres y portent des noms de vins bourguignons. Puisque j'ai réservé une soirée étape dans cet établissement mentionné dans le guide Michelin et doté du « Bottin Gourmand 2010 » et autres décorations, je me fais bien gâter. Kir aligoté et ses amuses bouches, un potage en croûte, duo de rillettes, mousse de saumon, carré d'agneau, mousse framboises et nougat glacé. Pour arroser tout ça une demie bouteille de St. Amour. Un café « Blue Mountain » à 4,50 € et voilà une belle soirée bien réussie.
13) De Cravant à Vézelay (33 km)
02 juin : Le buffet du petit déjeuner est abondant comme il se doit pour un Bottin Gourmand. Je me mets en route vers 08 hrs pour la dernière étape de cette année. Le chemin ne correspond point avec la description dans mon guide. La végétation a poussée de sorte que le chemin n'est plus praticable. Parsemé de pierres, mauvaises herbes de tailles humaines, rendu mouillé et glissant par la pluie diluvienne de la nuit. Après 3 km de marche, aller et retour pour rien, j'abandonne ce chemin particulièrement dangereux pour retourner au départ et puis 2 km pour aller à la gare de Cravant-Barzanes. A cause de travaux ferroviaires, les liaisons des trains sont assurées par bus. Il me faut patienter 2 heures avant le départ du bus de 10.24 hrs en direction de la gare de Sermizelles. Cette gare est la gare de référence de Vézelay à 12 kilomètres. Il me reste donc encore un bon bout de chemin, Givry-sur-Cousin, puis Asquins-sur-Cure avec son église St. Jacques classée monument patrimoine mondial. Hélas elle est fermée. Passé le joli village d'Asquins il y a encore une montée en flèche à grimper pour aboutir en toute beauté à Vézelay.
A Vézelay règne enfin un esprit pèlerin. L'on vous y sert même du cidre à la pression comme en Galice et on vous parle de menu du pèlerin. Mais avant de s'adonner au plaisir de la table une visite de la cathédrale s'impose. L'intérieur me plaît mieux que l'extérieur qui est assez austère.
Vu de l'extérieur, mon hôtel « Le Compostelle » aussi ne fait pas la meilleure impression, mais j'ai tort car à l'intérieur règnent de belles couleurs claires et décentes, un confort contemporain et une atmosphère chaleureuse. En plus, le patron témoigne d'un soutien et d'une patience peu communs afin de trouver le moyen adéquat pour rentrer au Luxembourg. Dommage que l'hôtel ne fait pas restaurant, mais il y en a un juste à côté, « Le Cheval Blanc », très bon lui aussi.
Kir à la mûre en apéritif, cannellonis au saumon fumé, suprême de pintade, vacherin en dessert, une demie bouteille de « Irancy 2008 » (à retenir).
Le retour
03 juin : Petit déjeuner parfait avec en prime une belle vue sur la vallée. Le taxi arrive à l'heure pile pour me conduire à Avallon. A la gare routière d'Avallon je prends le bus pour Montbard. Voilà qui est intéressant, le bus passe par Epoisses, célèbre pour son merveilleux fromage puant. A Montbard je change de bus en train pour Dijon. Ici j'ai 4 heures d'attente, mais tant pis. Ca me laisse le temps pour une petite visite sommaire de la ville.
A la gare j'ai pu décrocher un billet TGV à 1,50€ (un euro et demi) pour Metz.
A 20.00 heures je suis à la maison avec devant moi une année entière pour planifier mon prochain périple.
Chapitre
4
De Vézelay (F) à La Souterraine (F)
La suite de mon chemin ou
la « Douce France »
Le Départ
28 mai : Je me lève à 05 heures du matin pour me rendre en bus à la gare de Luxembourg. Un train pour Metz part ¾ d'heure plutôt que celui que j'avais prévu. Formidable, comme ça j'aurai le temps d'admirer la belle gare de Metz et ses alentours ou j'attends avec impatience le TGV pour Paris. Pour effectuer le trajet entre la gare de l'Est et la gare de Bercy je m'accorde un taxi à 10 €. Le chauffeur, un noir originaire du Congo très sympathique me fait écouter de la musique de son pays, une musique très gaie. En gare de Bercy je prends un train régional direct pour Sermizelles - Vézelay. A la sortie de la minuscule gare de Sermizelles où un taxi solitaire et triste attend patiemment un client éventuel. Bien que, initialement, j'avais prévu de marcher les 17 kilomètres jusqu'à Vézelay, la tentation est grande et le petit diable en moi gagne le match. Il faut quand même faire vivre les gens ! Je prends le taxi (20 €) qui m'amène jusqu'à mon hôtel « les Glycines ». D'ailleurs le vrai pèlerinage ne commencera que demain. Ma chambre, du nom de « St. Jacques de Compostelle », est toute petite, spartiate, le stricte nécessaire pour un pèlerin, ni TV, ni wifi. Le temps restant me permet largement de revisiter la cathédrale qui me semble plus belle que l'année dernière. En outre, en ce moment en y célèbre un mariage avec des dizaines d'invités. A l'accueil de la cathédrale je reçois un joli tampon pour mon crédencial et la dame inscrit toutes mes données dans un gros livre. Ma nationalité, mon âge, d'où je viens et où j'irai ainsi que le motif de mon pèlerinage.
Côté menu, l'hôtel propose des menus simples à base de produits régionaux. En entrée la quiche Tatin au fromage de chèvre accompagnée d'une petite salade verte, puis la pièce de charolais et ses petits légumes. Délicieux et bon marché. Seul b-mol, on se rattrape sur les vins. Déjà ils sont chers et puis il n'y a ni demi-bouteilles ni pichets. C'est soit une bouteille ou un verre. Je commande un verre de « Irancy », un vin que j'ai connu l'année dernière et qui me plaisait bien à l'époque. Le verre à 8,50 €, alors il faut que ce soit du bon. On m'apporte un verre de vin sans me montrer la bouteille. Je suis sûr que c'est du pinard et il goûte aussi comme un tel. Pour punir cette fraude je renonce au dessert et je monte dans ma chambre pour bien me reposer avant mon grand périple de quelques 325 bornes.
1) De Vézelay à Tannay 20,5 km
29 mai : Après un petit déjeuner assez maigre pour 10 € je me mets en route pour la première étape. Une distance assez raisonnable de 20,5 km pour m'entrainer. Il fait beau ce matin. L'étape consiste en 2 parties : la première traverse la forêt tandis que la deuxième partie, après le passage de la « Maison Dieu » (oui, le village s'appelle vraiment ainsi) mène à travers les champs. J'avoue que je préfère les champs aux forêts, c'est moins dangereux et plus clair. Il n'y a rien de spectaculaire mais en somme c'est une belle étape. Arrivé à mon hôtel « Relais Fleurie », qui fait tout honneur à son nom, je fais ma petite sieste bien méritée. C'est dimanche et tout est fermé, mon hôtel inclus. Mais ils font quand même la restauration pour les pensionnaires. Alors pas de choix, menu unique ce soir. Mais c'est tellement bon, une salade de tomates et mozzarelle (excellente), puis confit de canard en pâte (délicieux). En dessert un baba au rhum que je n'aime pas. Une petite bouteille d'un rosé local pour arroser cette journée réussie.
2) De Tannay à Varzy 20 km
30 mai : Petit déjeuner très correct à 07 heures. La journée s'annonce bien malgré les mauvaises prévisions de meteofrance. De beaux chemins mènent à travers champs et forêts. Les villages rencontrés Cervenon, Thurigny et Cuncy-les-Varzy sont des paisibles bourgs. Les seuls bruits sont les aboiements des chiens (ennemis des pèlerins) protégeant les propriétés de leurs patrons. Varzy est une petite ville avec des belles demeures. Autrefois sous l'autorité des évêques d'Auxerre, Varzy était célèbre pour ses foires à bestiaux. L'église gothique St. Pierre (XIII siècle) et un vieux lavoir complètent le patrimoine. J'ai réservé une chambre d'hôtes chez Madame Isambert, une artiste peintre qui gère en plus 4 chambres pour pèlerins. A mon arrivée elle me prépare une eau à la menthe (faite maison). Elle m'envoie au musée juste en face. Puisqu'il est presque 18 heures, heure de fermeture la dame sympathique à l'accueil m'accorde une entrée gratuite pour une visite sommaire à durée très limitée. Le musée traite l'Océanologie et l'Egyptologie, particulièrement intéressant, il vaudrait la peine d'y revenir un jour. J'ai encore le temps de visiter l'église avant d'aller manger. Il est 19.00 heures maintenant et il fait toujours 29°. Le seul restaurant ouvert le lundi c'est la Pizzeria « La Séverie ». A première vue il fait bonne impression. On propose une formule à 21,50 € comprenant buffet à volonté en entrée. En fait c'est très bon, surtout la terrine, mais puisque beaucoup de choses sont préparées à la mayonnaise je renonce à la plupart des mets. Non seulement à cause des calories mais aussi parce que la mayonnaise n'a plus bonne mine vu la température élevée, la proximité de la rue et la porte ouverte. En plat principal, la pièce du boucher (2 bons morceaux) avec sa sauce à la moutarde dijonnaise, trop, avec des frites spéciales extrêmement bonnes, assiette de fromage et pour finir en beauté une mousse au chocolat, cadeau à ce prix là.
3) Varzy - Châteauneuf-Val-de-Bargis 25 km
31 mai : Ce matin nous sommes 2 pèlerins à table pour le petit déjeuner. Un retraité de Biarritz qui a fait le chemin en 5 variantes déjà, une bonne base de discussions. Je pars une demi-heure avant lui car nous avons décidé de poursuivre notre marche en solitaire et de dîner ensemble ce soir. Dominique a réservé une chambre dans le même hôtel que moi. Il pleut dès le départ et je peux essayer mon parapluie (spécial randonnée). Ce parapluie se fixe au sac à dos par un système aussi simple qu'ingénieux. On a toujours les mains libres pour lire la carte ou faire le casse-croûte. En cours de route une voiture immatriculée dans le Nord (59) s'arrête. Un homme (un ch'timi) descend et me demande s'il peut bien me prendre en photo. Pour le reste de la journée il n'y a rien à signaler sauf peut être qu'il y a eu beaucoup de goudron aujourd'hui. A la fin de l'étape, le balisage jusqu'ici exemplaire, ne correspond plus avec mon guide et me confond au point qu'il me vaut un détour d'au moins 3 km. La petite ville de Châteauneuf-Val-de-Bargis est déserte comme tous les villages rencontrés lors de cette étape. La jeunesse fuit la région. Mon hôtel « Le Tivoli » avec son resto type routier est très simple mais on y mange bien. Dominique m'attend déjà au bar et comme prévu ce matin nous dînons ensemble. Salade de tomates, saucisse de Toulouse avec haricots verts puis fromage. Au cours de notre palabre je constate que Dominique est comme moi en possession du permis de plaisance et pratique la pêche au thon. Une belle journée se termine.
4) De Châteauneuf-Val-de-Bargis à La Charité sur Loire 27 km
01 juin : Je prends mon petit déjeuner déjà à 06.30 heures parce que les routiers qui ont passé la nuit à l'hôtel sont partis très tôt et leurs camions ont fait un bruit insupportable juste en-dessous de ma fenêtre. Il fait beau ce matin mais un peu frais. Bien que cette étape paraisse un peu longue, je ne l'éprouve pas pour autant. Je la prolonge même de plus de 2 km car il est encore tôt et j'ai hâte de voir enfin la Loire.
Le premier village s'appelle L'Hôpitot. Ici pratiquement chaque maison possède son propre puits. Hors service de nos jours ils servent maintenant de décoration et sont souvent ornés de fleurs. Vient Arbourse et puis après une montée à travers un bois le village de Murlin. Un village aisé à cause d'une scierie qui produit des lattes pour fabriquer des fûts de chêne. Il y a des milliers de tas de lattes bien rangées sur des palettes et prêt à être enlevées par des camions. Le village est surmonté par la petite église romane Saint-Martin (XII siècle). Après Murlin vient la seconde chênaie de France, la « forêt de Bertranges », 10.000 ha avec de nombreux arbres centenaires. Entre Murlin et Raveau un parcours forestier de 8 km sur une piste vraiment rectiligne. Les 4 derniers kilomètres avant d'arriver à La Charité-sur-Loire sont peu attractifs. Après une petite sieste, une visite de la belle ville s'impose. Cette semaine a lieu le « festival du mot », organisé chaque année par la ville. Cela explique les nombreuses librairies dans les parages et les proverbes et bon- mots d'écrivains célèbres ornant les façades des maisons. Mon nouveau compagnon Dominique, âgé de 69 ans et moi, nous échangeons nos numéros de portables pour le cas où mon chemin me mènera chez lui à Biarritz. Ce sera probablement en 2013. A partir de demain il aura un autre planning que moi. Adieu Dominique et j'espère à bientôt.
5) De La Charité-sur-Loire à Sancergues 9,2 km
02 juin : Ce matin je suis un lève-tard car la courte étape d'aujourd'hui me permet de passer davantage de temps à La Charité. L'étape très courte s'explique par le manque total d'hébergement le long du parcours en direction de Bourges. Après avoir franchi le pont sur la Loire je quitte le Nivernais pour le nord du Berry, le département de la Nièvre (58) pour celui du Cher (18), la région de Bourgogne pour celle du Centre (on aurait pu faire mieux pour trouver un joli nom à cette région). Le paysage change aussitôt, il n'y a plus de forêts mais des plaines et des champs à perte de vue. Les toitures des maisons sont recouvertes de plus en plus de tuiles rouges comme dans le sud de la France. D'ailleurs, d'après ce qu'on prétend (au nord évidemment) c'est que, en franchissant la Loire, le mode de vie des gens change en faveur de la mentalité du sud. Mais n'allez jamais raconter cela à un vrai ressortissant du sud ! Entre La Charité et Sancergues il n'y a que de minuscules hameaux, des pistes herbeuses et un paysage extrêmement plat. Mon hôtel « Auberge des Hirondelles » est simple, propre, connexion wifi gratuite, une TV qui ne marche pas et une douche avec de l'eau froide...quel horreur. Un menu à 28 €, gratin de Saint Jacques aux écrevisses introuvables à la sauce hollandaise (quoi ?). En outre le plat était encore congelé au milieu de l'assiette. Une pièce de bœuf tout à fait bonne et puis fromage.
Il y a des ronfleurs à l'étage (y-inclus le bon père Joseph).
6) De Sancergues à Brécy 30 km
03 juin : Cette étape un peu longue ne s'avère pas trop difficile. Avec une certaine monotonie elle mène à travers un paysage plat parsemé de champs de blé et de colza. Il fait très chaud et je me dis que ce qui est bien contre la pluie l'est aussi contre le soleil. Je fixe donc mon parapluie alias parasol au sac à dos. Maintenant j'ai le sentiment d'être à l'abri de ce soleil ardent. A Couy je prends un café et une eau fraîche dans un bar-tabac-épicerie. Des gens curieux mais très gentils veulent tout savoir de moi. Pour le reste du chemin il n'y a pas grand-chose à signaler sauf quelques lapins et perdrix.
Arrivé à Brécy je téléphone à Madame Ferrand ma prochaine hôtesse afin qu'elle vienne me chercher parce que le gîte de Benveau se trouve à 4 km hors chemin. Un morceau de clafoutis de cerises et un café de bienvenue. Je profite du jardin pour me reposer un peu. Il y a tout ici, fruits et légumes de toutes sortes, des poules et des canards. Le soir pour le dîner je suis un peu tôt et j'ai l'occasion de m'entretenir avec l'une de ses filles. Elle a 45 ans et est sourde, nous nous comprenons par gestes et écrits. C'est elle aussi qui cuisine ces savoureux plats, rien que pour moi.
Un Porto en apéro. Une terrine de poissons, asperges fraîchement coupées dans le jardin, en plat 2 cuisses de canard avec champignons et tagliatelles bio régionales de la Chapelle d'Ursin (près de Bourges), salade. Mes hôtes m'offrent même leur propre vin. Un rosé un peu acide mais enfin.
Une première dans ma vie ! Je mange tout seul pendant que les 2 filles et leur maman ainsi que Guillaume (17 ans), le fils de l'une des filles se mettent autour de moi pour discuter sans rien manger. Ils ne mangent qu'une fois par jour. Ma chambre est spacieuse, la salle de bains est à côté et je suis l'unique hôte ce soir. D'après la comptabilité de Mme Ferrand je suis le 29e pèlerin depuis Pâques.
7) De Brécy à Bourges 21 km
04 juin : Un petit déjeuner copieux, du pain, des croissants, du yaourt, une crêpe, du lait chaud et du café. Madame m'a même préparé un pique-nique avec une autre crêpe, 2 œufs durs, 1 pomme, des cerises et des bigarreaux. Je laisse encore trace de mon passage dans le livre d'or et puis Madame me ramène à l'endroit même où j'avais terminé hier. Il fait déjà chaud tôt le matin et après seulement 2 km j'enlève les parties basses amovibles de mon pantalon. Comme hier, un paysage plat et pour la plupart des chemins herbeux qui m'acheminent tout d'abord vers Sainte-Solange. Peu après j'aperçois déjà les tours de la cathédrale Saint-Etienne de Bourges qui pendant les 11 km restants dominent l'horizon plat et montrent le bon chemin aux pèlerins. Avant d'arriver à Bourges je traverse le faubourg de Truly. Mon hôtel IBIS se trouve de l'autre côté du centre ville, je visite donc d'abord la cathédrale (il est toujours prudent de se procurer le tampon pour compléter le crédencial avant tout autre chose). Un spectacle son et lumière autour de la cathédrale est prévu ce soir à 22 heures. Je ne veux en aucun cas rater cela. Je m'offre donc une petite sieste bien méritée pour ne pas tomber dans les pommes ce soir. Vers 17.30 heures je retourne en ville. Après une seconde visite, cette fois-ci plus approfondie, de la cathédrale je vais me rassasier au restaurant « Salamalkoum ». Bon et copieux - Couscous Royal. Encore un petit tour de la ville pour la digestion. Bien que l'étape d'aujourd'hui ne comptait que 21 km on peut ajouter au moins 7 voire 8 km à cause de mes nombreuses promenades en ville.
8) De Bourges à Issoudun 35 km
05 juin : Petit déjeuner à la mode IBIS, correct, rien à dire. Un taxi m'amène à 15 km d'ici, à Villeneuve sur Cher pour 50 € (prix de dimanche). A partir d'ici ils restent encore 20 bornes jusqu'à Issoudun. Vingt kilomètres qui me font mal, je trouve cette étape très longue par rapport à d'autres biens plus longs. Peut-être parce que c'est une étape monotone, trop de goudron, manque total de distraction, pas de motifs à photo. Après des champs viennent encore des champs. Cette étape me rappelle un peu la Meseta espagnole en 2008. En plus je me suis trompé de chemin à Chârost. Ce n'est ni la faute au balisage ni à mon guide, non, c'est de ma propre faute, je n'ai tout simplement pas fait attention par ennui. Pour me rattraper je prends la route nationale N 151 pendant 4 kilomètres. Quel horreur ! Heureusement il n'y a pas de camions les dimanches.
La N 151 est la nationale la plus longue de France et souvent rectiligne pendant de grandes distances. A l'occasion je change encore de département. Je suis dans l'Indre (36) maintenant. Mon hôtel Campanile se trouve un peu à l'extérieur de la ville d'Issoudun dans une zone industrielle. Je suis très surpris de la qualité de cet hôtel et aussi des mets proposés. Mon fils Yann m'avise par un message que ce soir il y aurait le « commissario Brunetti » chez FR 3. Allez hop au lit. Merci, mon fils je t'embrasse : J'aime ces crimes passionnants qui se jouent dans les merveilleuses coulisses de Venise.
9) D'Issoudun à Neuvy-Pailloux 17 km
06 juin : Un petit déjeuner parfait de chez Campanile, il y a de tout. Avant de partir j'ai encore une conversation avec Mme Pérou, la gérante de mon Campanile, on parle de Dieu et de la vie en somme. Elle m'offre encore 2 pommes pour le chemin.
La ville d'Issoudun me plaît bien. Des bars-tabacs, brasseries et boulangeries sont déjà ouvert tôt le matin, inhabituel en France. La ville est très propre et soignée. La vieille prison et l'hôtel de ville valent le détour. Je suis en train de chercher un magasin pour acheter des nouvelles piles pour mon appareil photo quand mon copain Emile m'appelle. Il veut savoir si l'on peut aller manger quelque part. A-t-il oublié que je suis sur mon chemin ou veut-il soutenir mon moral ? Je me mets en route maintenant, il ne faut pas trop tarder. Il fait beau malgré les prévisions météo qui ont annoncé de la pluie. Le début du chemin en sortant de la ville est agréable. Un large chemin herbeux toujours parallèle à la Départementale monte légèrement. Thizay, village typique de la région, église, mairie, place centrale où je prends mon casse-croûte, c'est tout. Ah oui, ici il y a encore un joli château. Cela aurait pu être une belle étape si seulement le paysage avait changé un peu de temps en temps, mais non, monotone jusqu'à la fin, merde !
L'hôtel « Le Berry Relais », normalement fermé les lundis, mais ouvert pour ceux qui ont réservé. Ici, je suis largement dédommagé pour l'étape journalière ennuyante.
Amuse bouche : crème brûlée au foie gras
Entrée : terrine de saumon sauce citron
Plat principal : caille aux cèpes et gratin dauphinois
Plateau de fromage : Epoisses et Roquefort
Dessert : clafoutis de cerises
Il ne faut pas oublier que c'est la demi-pension ! Le chef est maître-traiteur et médaillé pour son propre vin de Reuylli.
10) De Neuvy-Pailloux à Ardentes 22,2 km
07 juin : Petit déjeuner copieux, buffet, c'est parfait, il y a de tout. La patronne me ramène en voiture sur mon point de départ car l'hôtel est situé à 3 km hors chemin. Après une demi-heure de marche, juste au moment où il se met à pleuvoir, je rencontre Pierre, un Parisien retraité qui vient de commencer son chemin ici. Nous marchons ensemble et Pierre décide de m'accompagner au Moulin de Villejovet ou j'ai réservé pour voir s'il reste une chambre disponible. Bien que Madame Martin dispose encore d'une chambre à un seul lit, elle nous propose de prendre une chambre double moins onéreuse. Puisque de toute façon nous sommes ensemble et nos discussions fructueuses nous sommes d'accord. Le Moulin de Villejovet est une belle demeure entouré d'un terrain gigantesque, aux abords de l'Indre. En fait le » jardin » est un parc bien aménagé et entretenu par Monsieur Martin qui bricole du matin au soir et qui sait tout faire. Le moulin se trouvant à 2 km d'Ardentes et aussi du chemin officiel, le patron nous conduit au village où il a réservé une table dans l'unique Pizzeria « Toscana » pour nous. Pierre commande 2 pizzas pour lui seul et je prends une escalope de veau au gorgonzola. Nous arrosons le tout d'un pichet de rouge.
11) D'Ardentes à Neuvy Saint Sépulchre 20,6 km
08 juin : Au petit-déjeuner nous sommes assis autour d'une table ronde géante dans une pièce aussi grande qu'un hall sportif et nous buvons notre café dans des bols énormes. Monsieur Martin nous tamponne notre crédencial et nous reconduit sur notre chemin. Encore un grand merci pour cet accueil si chaleureux. Nous continuons notre chemin à travers champs et forêts, agréable et pas difficile. Lys-Saint-Georges, le joli nom du village aurait été choisi par Richard Cœur de Lion. Encore 8 kilomètres jusqu'à Neuvy-Saint-Sépulchre. Pierre a choisi le camping pour la nuit mais il n'est pas sûr d'y dénicher une couche parce qu'il n'y a que 2 lits pour pèlerins. De toute façon nous avons prévu de nous revoir dans 3 jours à La Souterraine pour dîner une dernière fois ensemble avant que je ne termine mon chemin pour cette année-ci. Je marche encore 2 km plus loin jusqu'à mon gîte « Domaine de l'Augère ». Sans le savoir j'ai réservé une chambre de grand luxe mais une fois n'est pas coutume. Ma chambre, de la taille d'un appartement, a une belle salle de bain équipée d'une baignoire géante. Décorée avec goût et débordant de livres de George Sand. Il me reste beaucoup de temps, je décide donc de prendre un bon bain, il faut quand-même profiter de tout ce luxe. A l'origine, il n'y avait pas de dîner prévu mais, quand Madame a vu le pauvre pèlerin que je suis elle a changé d'avis et m'a proposé de manger ensemble. Je suis le tout premier pèlerin dans son établissement (qui s'en étonne - chambre de luxe, haha). Madame a préparé une salade aux fromages, croûtons et ail. Des radis extrêmement piquants qu'il faut tromper dans du sel de Guérande, succulent. Jambon de Parme, melon, différents fromages locaux et un vin très léger de Loire. Madame est Parisienne et elle a pris une année sabbatique pour s'essayer dans les chambres d'hôtes. Auparavant elle travaillait chez la télévision française (sport, entre autres Tour de France). Vraisemblablement elle va rester dans ce joli coin de France. Son mari est géomètre et accompagne des travaux de constructions de pistes athlétiques dans le monde. Hélas il n'est pas là ce soir. Il se peut qu'ils viennent au Luxembourg un jour, de toute façon j'ai laissé mon numéro de portable au cas où.
12) De Neuvy-Saint-Sépulchre à Gargilesse 23,7 km
09 juin : Je suis gâté avec du pain frais, des viennoiseries, de la confiture potiron-noix de coco (délicieux) et du clafoutis de cerises fait maison. Le soleil est au rendez-vous ce matin mais bientôt le ciel se couvre par d'épais nuages. Par des petites routes buissonnières et des sentiers creux faciles à marcher j'avance vers Cluis, avec ses forteresses en ruines, ses halles et son petit marché. Au kilomètre 9, le viaduc d'Auzon avec ses 20 arches sur une longueur de 500 m. Une vue quasi aérienne sur la campagne, d'ici on pratique le saut à l'élastique. Hélas il n'y a personne aujourd'hui, je suis le seul être humain dans cet endroit paisible. Les derniers kilomètres avant Gargilesse se présentent peu agréables. Une piste descendante, empierrée par de gros cailloux glissants rend la marche pénible et même dangereuse. Ci ajoute encore un mauvais balisage et des convergences avec mon guide. Je suis des plus heureux quand j'arrive enfin à Gargilesse, un des plus beaux villages de France. Malgré la petite taille de Gargilesse, il y a beaucoup de choses à voir. A côté d'un château (XVIII siècle), privé de nos jours, se dresse un superbe pigeonnier qui abrite l'office de tourisme. C'est là aussi qu'il faut demander la clé pour accéder à la crypte de l'église romane Notre Dame où l'on peut admirer les fresques du XIIe siècle. Les pèlerins romantiques peuvent encore visiter la maisonnette de George Sand. Je vois Pierre qui s'est encore trompé de chemin et a fait au moins 2 km en vain. Nous mangeons ensemble au restaurant de l'unique « Hôtel des Artistes ». Au menu pour 17 €, terrine fraîcheur avec salade, brochette porc et dinde avec sauce moutarde à l'ancienne, mousse de fruits rouges. Rien à dire, correct et très bon.
13) De Gargilesse à Crozant 20 km
10 juin : Pierre qui a passé la nuit dans un refuge est venu à mon hôtel pour le petit déjeuner parce qu'il n'y en a pas dans le refuge. Il pleut mais la pluie s'arrête net quand nous prenons la route (quand les anges voyagent !). En soit une belle étape aujourd'hui, seul b-mol, c'est très vallonné, cela coûte de la force. Je suis mieux en forme que Pierre et j'ai toujours une belle avance sur lui. Pierre fait beaucoup de pauses, il a déjà une ampoule au pied droit, un genou en compote et des lacets qui se défont toujours. Chacun doit marcher à son rythme, mais je l'attends toujours quelque part. A Cuzion une femme nous conseille de ne pas prendre le chemin officiel proposé par l'association jacquaire. A cause du temps pluvieux le chemin serait devenu impraticable et que nous ferions mieux d'emprunter la départementale peu fréquentée. Lors d'une nouvelle pause à Cuzion-Le-Vieux, nous prenons un petit café dans une « épicerie ». Dans ces villages morts, abandonnés par la jeunesse, on rencontre parfois de ces nouvelles épiceries qui proposent une multitude de services, épicerie, bar-tabac, poste etc. Affaire de faire revivre ces régions un peu défavorisées. Après le « pont des Piles » il y a une montée impitoyable jusqu'à Eguzon. C'est dommage que le Lac de Chambon pourtant omniprésent pendant l'étape ne soit jamais touché par le chemin. Après les hameaux désertés de Pouzat, Bousset, Le Pré Calé et Charchet reliés par des sentiers forestiers une nouvelle montée rude pour arriver à La Feyte, autre bourg presque vidé d'habitants. Aujourd'hui nous dépassons 3 « frontières ». Nous échangeons le département de l'Indre pour celui de la Creuse (23), la région du Centre pour celle du Limousin et même la frontière linguistique, du parler d'oïl à la langue d'oc. Le paysage change aussi brusquement et des vaches, des Limousines sont maintenant à l'ordre du jour. Il y en a vraiment beaucoup. Avant d'arriver à Crozant la route est barrée pour les voitures. D'ailleurs, ici il n'y a pas de trafic, de temps en temps une voiture, une mobylette et c'est tout. Le Lac de Chambon, ce grand mystérieux, que nous avons longé pendant toute la journée sans jamais le voir parce qu'il se tenait toujours à quelques centaines de mètres voire 2 km nous accueille enfin lors de notre arrivée à Crozant. Je suis largement dédommagé pour son jeu de cache-cache car mon hôtel « du Lac » se trouve naturellement à ses abords. Dans ce coin oublié il n'existe même pas un réseau pour portables, je suis obligé de téléphoner de ma chambre comme autrefois. Par contre il y a une connexion Wifi gratuite. Comme d'habitude, je lave mes affaires, prends une bonne douche et puis ma sieste bien méritée. Au restaurant (vue sur le lac évidemment) je suis le seul hôte à part un couple âgé en demi-pension. Une demie aubergine farcie de fromage de chèvre, tomates et autres épices en entrée, cuisse de canard à l'orange (exquise). En dessert une faisselle de fromage blanc avec du...sucre !?!
14) De Crozant à La Souterraine 26 km
11 juin : Se réveiller tous les matins auprès d'un lac serait merveilleux. Le patron de l'hôtel, un hollandais qui mesure 2,00 m au minimum pour un poids de 65 kg au maximum, très sympa, parlant français avec un accent néerlandais se réjouit de mon accent. Je lui explique que je viens du Luxembourg et que nous sommes tous les deux beneluxiens, ce qui me vaut un café gratuit.
Il est fort temps, il faut que je m'y mette. La distance supplémentaire de 1,5 km que j'étais descendu hier pour atteindre mon hôtel au lac, il faut la remonter maintenant avant de pouvoir entamer le chemin officiel. Crozant, un petit village haut perché est un site remarquable qu'il attirait et attire toujours des peintres réputés. Le chemin suit le cours de la Sédelle (même pas si large que notre Sûre). Il y a quelques moulins reconvertis en résidences secondaires ou en restaurants. Le paysage ressemble un peu à notre Mullerthal luxembourgeois, peut-être encore plus beau. Ensuite une départementale bien sage me mène en zigzaguant jusqu'à La Chapelle-Baloue, où il y a une ancienne gare SNCF dont il ne reste plus que le bâtiment désormais utilisé comme maison d'habitation. Encore des chemins creux et des routes tranquilles jusqu'à Saint Agnant. Soudain sur le sentier herbeux menant à travers des bosquets, une petite clairière aménagée avec des fauteuils sciés à partir de troncs d'arbres. Cloué à un arbre une boîte portant l'inscription « ULTREIA », c'est du vocabulaire jacquaire et veut dire « bon chemin ». A l'intérieur de la boîte, un gros livre avec des centaines d'inscriptions de pèlerins qui sont passés ici. Je laisse un mot à Pierre qui devrait me suivre bientôt. Mais, contraire à mes idées, Pierre n'est pas derrière moi mais devant moi. Environ 2 km plus loin je l'aperçois dans un abribus en train de soigner ses pieds tout en mangeant une conserve de thon. Quelle surprise, je lui dis que je lui ai laissé un mot dans l'arbre tout à l'heure et il me répond : « Alors, tu n'as qu'à aller chercher ce fameux mot ». Nous poursuivons ensemble les 5 km restants. Nous passons près d'un cimetière avec une lanterne de morts du 13e siècle et puis une route qui ne cesse de monter jusqu'à La Souterraine. Au centre ville, Pierre et moi prenons congé réciproquement. Pierre va continuer probablement jusqu'à Périgueux et pour moi c'est terminé ici. Mon hôtel « Inter Alexia » se trouve dans une zone industrielle à l'extérieur de la ville. Un hôtel moderne offrant tout confort. J'apprends dans les nouvelles de FR3 Limousin que la SNCF a programmé des travaux et que la ligne Toulouse - Paris que je dois emprunter à La Souterraine serait barrée dans les 2 sens pendant tout le week-end de Pentecôte jusqu'au lundi 15 heures. Mon train prévu pour lundi à 16.45 heures ne serait donc pas concerné ? J'ai mes doutes et j'irai me renseigner dès demain matin.
La Souterraine
12 juin : Après le petit déjeuner je me rends à la gare où la dame au guichet me rassure que mon train va circuler à l'heure prévue. Je suis un homme heureux. J'ai tout mon temps pour visiter la ville et l'église. Il fait beau et je prends un café et un coca sur la même terrasse où j'ai pris congé de Pierre hier. Le patron du bar me renseigne que Pierre serait passé par là de bonne heure. A un certain moment je suis encerclé par 5 vaillants fumeurs et je fuis le camp. Je me dirige vers « La Gondole », un restaurant tout près.
C'est dimanche et après le déjeuner tout est fermé. Après une petite promenade de digestion d'environ 2 km pour arriver à mon hôtel, je me couche pour une petite sieste bien méritée.
Ce soir, pour finir en beauté, je me permets de choisir le menu non-pèlerin à 29,90 €. Une copieuse salade océane suivie d'un filet de bœuf limousin que je n'arrive pas à achever. En dessert (mais oui, il faut, c'est quand-même payé) je prends un Café Liégeois estimant que c'est le dessert le moins riche en calories par rapport aux autres. Quelle bedaine !
Le retour
13 juin : Je me lève tard aujourd'hui et après le petit déjeuner je me rends à « La Soute » comme disent les « Sostraniens ». Cette fois-ci visite approfondie de l'église et un autre tour de la ville. Impatiemment j'attends midi pour que je puisse enfin m'attabler au restaurant « Porte Saint Jean ». Je choisis le menu festif à 23,50 €, pourquoi pas ? Un petit Kir au Bergerac en apéritif. En entrée, la chiffonnade de jambon et asperges. En plat de résistance le roastbeef limousin aux morilles, ratatouille et gratin de pommes de terre, ceci suivi d'un assortiment (3 morceaux) de fromage puis un café et l'addition s.v.p. Malgré cette petite collation qui exige quand même du temps, il me reste encore 2 bonnes heures jusqu'au départ de mon train. Un dernier Coca sur la terrasse d'un bistrot à la gare. A ce qu'il semble mon train circulera réellement comme prévu car maintenant que le train devrait bientôt arriver ça commence à grouiller dans le hall de la gare. En effet, mon train arrive ponctuellement en gare comme promis, quel soulagement. Le train est complet, heureusement j'ai réservé ma place. A Paris le transfert de la gare d'Austerlitz à la gare de l'Est s'avère compliqué. Des dizaines de gens font la queue pour décrocher un taxi. Il a commencé à pleuvoir et les taxis ne sont pas nombreux. J'ai peur de rater ma correspondance. Un couple que j'ai protégé de la pluie avec mon parapluie géant me permet de prendre sa place et j'arrive vraiment à la dernière minute à la gare de l'Est. Merci à ce couple sympa.
Un grand merci aussi à l'association jacquaire de Vézelay pour un balisage exemplaire et finalement merci à ma femme et à mon fils qui ont la compréhension de me permettre cet exploit chaque année.
Chapitre
5
De La Souterraine (F) à Bergerac (F)
De Luxembourg à La Souterraine.
25 mai : Une journée un peu chaotique. A peine franchie la frontière le bus qui doit m'amener à la gare TGV Lorraine est bloqué dans un embouteillage gigantesque dû à un chantier. Heureusement le transporteur a prévu une demi-heure de réserve de temps. Mon TGV s'arrête à plusieurs reprises sans raison apparente et atteint la gare de Saint-Pierre-des-Corps avec un retard de 25 minutes. Evidemment mon train de correspondance est parti et je dois faire la queue au guichet pour régulariser mon billet. Le prochain train pour Vierzon part dans une heure. Ce train s'arrête également en pleine voie pendant plusieurs minutes parce qu'un signal lumineux ne fonctionne pas et le conducteur doit demander un ordre écrit pour avancer à vitesse réduite jusqu'à la prochaine gare. Enfin arrivé en gare de Vierzon même jeu : Une heure d'attente pour le train en direction de Limoges. Donc assez de temps pour siroter un café. Je téléphone à la maison pour rassurer la famille et à l'hôtel pour leur signaler mon arrivée tardive. Heureusement cela ne pose aucun problème à l'hôtelier-restaurateur un groupe ayant réservé une table pour tard dans la soirée. Je dédie ce dîner à ma femme qui avait eu l'aimable idée de m'offrir le premier et le dernier repas de mon périple. Alors pour ne pas la décevoir j'y vais : Picon bière pour bien débuter, une terrine maison, puis spécialité de la maison oblige, Roastbeef limousin à la sauce au poivre accompagné de son gratin de pommes de terre et d'un peu d'épinard. Et pour finir en beauté un succulent Tiramisu. Le tout arrosé par une demi-bouteille de Saumur- Champigny. Après tout je me suis bien récompensé pour les ennuies de cette journée.
1) De La Souterraine à Bénévent l'Abbaye 21 km
26 mai : Au menu du jour : nature et calme.
Dès le départ de La Souterraine le soleil est au rendez-vous. D'un pas rapide je laisse la petite ville derrière moi. Il faut que je m'habitue de nouveau au balisage. Il ne manque pas du tout mais les petites flèches ne sont pas toujours faciles à repérer pour le daltonien que je suis et parfois il y a des problèmes d'interprétation. Je traverse champs, prairies et bois. J'aperçois au moins une demi-douzaine de petits étangs entourés de conifères. La vache est omniprésente dans le Limousin, et je constate que la vache dite limousine est très curieuse mais aussi peureuse. En plus, elles me semblent plus propres qu'ailleurs.
À Chamborand je fais la connaissance d'un néerlandais d'au moins 70 ans en pèlerinage vers Lourdes et profitant du bon balisage pour Compostelle pendant une partie de son parcours. D'ailleurs il a fait le chemin de Saint Jacques déjà à 2 reprises. Il s'appelle Johann Potter et a des lunettes rondes comme le réputé Harry du même nom. Tout en prenant un café nous décidons de ne pas marcher ensemble parce que, malgré son âge avancé, il marche à une allure que je ne suis pas capable de suivre.
Mon hôtel « Le Cèdre » à Bénévent l'Abbaye doit son nom à un énorme cèdre devant ses portes. Cet arbre d'une rare beauté s'élève bel et bien 30 mètres vers le ciel.
Ma chambre n'est pas encore prête mais on s'occupe tout de suite. Une sieste de presque 4 heures me fait du bien après cette première étape.
Le dîner à 25 € vaut la peine. En entrée une fondue de poireaux au bleu d'Auvergne, l'inévitable et incomparable bavette limousine avec ses frites maison suivi du plateau de fromage, puis une tarte aux pommes arrosée d'une sauce caramelle-fleur de sel. Le tout accompagné d'une demi-bouteille de Haut-Poitou, un vin de la région de Poitiers, inconnu pour moi jusque là, un vin qui se rapproche fort des vins de Loire.
2) De Bénévent l'Abbaye à Châtelus le Marcheix 18 km
27 mai : Dès le départ je me trompe de chemin et pour ne pas devoir retourner au village je reste sur la départementale menant à Châtelus pour la même distance. Seul inconvénient, ce ne sont pas les doux sentiers forestiers mais le macadam dur, nocif et fatiguant pour les mollets. Ce qui nuit en rien à la beauté du paysage, le caractère de cette étape étant presque montagnard même si on ne dépasse guère les 600 mètres d'altitude. Je me suis fabriqué une ampoule aujourd'hui, heureusement pas sous le pied mais au talon. Tout est fermé (pour de bon) dans mon village de destination, pas un resto, rien. Heureusement j'ai encore mes barres de céréales sur moi. Ma chambre d'hôtes consiste en 2 chambres à l'étage faisant fonction d'appartement et équipé d'un percolateur (on n'a presque plus l'habitude), réfrigérateur etc...Mes barres resteront donc superflues pour aujourd'hui. Ce soir au menu, Filets de maquereaux sauce moutarde à l'ancienne avec rondelle de citron. Bien entendu le tout enfourré dans une boîte de conserves de 1,50.- € achetée chez « Super U ». L'alternative aurait été un potage (mouline de légumes variés) à 1.-€ seulement. Glouton je me suis décidé pour la solution la plus chère. Je suis persuadé que la dame de la maison m'aurait invité à dîner, mais hélas, il y a déjà assez de monde dans la maison puisqu'il y a une fête de famille (anniversaire d'un enfant). Je comprends. En tant que pauvre pèlerin on réapprend à vivre avec un minimum. Franchement cette journée m'a bien plu, malgré mon repas frugal.
3) De Châtelus le Marcheix à Saint Léonard de Noblat 30,5 km
28 mai : Je me lève de bonne heure parce qu'aujourd'hui 30 bornes m'attendent sans pitié. Avec mon ampoule, ce ne sera pas facile. Rien de spectaculaire pendant la première dizaine de kilomètres. Après 4 km je quitte le département de la Creuse (23) pour entrer en Haute-Vienne (87). Au point kilométrique 15 environ, le pont de Dognon, pont type "Bow-string", un joli endroit avec camping et base de loisirs.
Hélas, le seul hôtel sur place est fermé, c'est un jour férié. Je continue sur la route qui monte sans cesse. Une certaine monotonie s'installe malgré la beauté du paysage. Mon ampoule me fait mal mais c'est encore supportable. A cause du jour férié il faudra attendre demain pour trouver une pharmacie où acheter des pansements. Déjà de loin on aperçoit le clocher de 52 m de haut de la ville médiévale de Saint Léonard de Noblat. Pour aujourd'hui j'ai ras le bol, j'ai juste envie de prendre une bonne douche et de me reposer. Par ailleurs j'ai une faim de loup car la journée d'hier n'était pas l'une des plus gastronomiques. Mais ce soir tout le programme est à l'affiche, menu à 27.-€ : 2 (deux) amuses bouches avec mon petit Ricard puis les 2 (deux) risotto avec 4 crevettes suivi d'un tournedos Rossini, le Duo de fromages régionaux et un Tiramisu aux poires. Pour accompagner ces douceurs une demie bouteille de rosé de Gaillac et puis un café doux de Colombie avec ses..., non je ne le dirai pas ! Mais à ce prix là c'est donné. Mes pieds vont de mieux en mieux après ce réconfort et je promène mon embonpoint encore un peu dans la petite ville, riche en bâtiments médiévaux. Demain je prendrai encore un tas de photos avant de partir pour Limoges.
4) De Saint Léonard de Noblat à Limoges 21,5 km
29 mai : Malgré la dure étape d'hier je suis en bonne forme et il fait beau. Je démarre vers 8.00 hrs et découvre vite que cette petite ville au nom si noble renferme bien plus de trésors qu'on aurait pu le supposer hier quand tout était fermé à cause du jour férié. Je prends plusieurs images en quittant la bourgade par la « rue des pavés » qui n'a pas ou plus de pavés. En bas je traverse le pont médiéval au dessus de la Vienne pour remonter aussitôt un sentier herbeux dans les sous bois. Un paysage paisible s'offre à moi et j'avance d'un hameau à l'autre. Mon ampoule se fait remarquer de plus en plus et je marche péniblement. La pharmacie ouvrant trop tard ce matin, je n'ai pas voulu attendre et j'ai reporté l'achat de sparadraps pour Limoges ce qui s'avère fatal maintenant. À partir de Feytiat le chemin traverse des zones industrielles sur environ 5 km. Torture que je n'infligerai pas à mon pire ennemi. Pour me mettre un peu à l'abri de la chaleur j'entre dans un Kebab et je dévore un tel y compris frites et un coca light. À l'entrée de Limoges je traverse le pont de Saint Étienne (également médiéval) sur la Vienne et je monte en flèche jusqu'à la cathédrale qui est fermée, je ne sais pourquoi. C'est incompréhensible, jamais j'ai vu chose pareille. Aucune affiche ou petite notice avec des explications éventuelles concernant la fermeture de la cathédrale. Mon hôtel « Ibis Centre » est comme tous les Ibis, c.à.d. une valeur sûre sans mauvaises surprises, on sait d'avance ce que l'on peut attendre, on connait même le petit-déjeuner du lendemain. Après avoir soigné mon pied avec un sparadrap acheté en pharmacie (enfin) je me mets à la découverte de la ville. À vrai dire il y a des villes qui me plaisent plus. À la recherche d'un restaurant je tombe sur un très bon un peu à l'écart de la foule. Il s'appelle « La Cadole » ce qui signifie abri où cabane pour vignerons. À répéter, absolument!
5) De Limoges à Les Cars 30,5 km
30 mai : Vu la distance et mon ampoule plus grande qu'une pièce de 2 €, je décide de m'offrir un taxi pour les 10 premiers km jusqu'à Aixe-sur-Vienne. Comme ça, ils ne me restent que 20 bornes à parcourir. D'ailleurs ces 10 km mènent pratiquement exclusivement à travers des zones industrielles avec un trafic énorme et bruyant. Je n'ai donc nullement mauvaise conscience d'avoir pris cette décision. J'apprends que mon chauffeur de Taxi est né à Thionville et que son père a travaillé dans la sidérurgie à Uckange. Comme le monde est petit! Il me conduit jusqu'au pont sur la Vienne. C'est ici que je commence ma randonnée aujourd'hui. Je marche environ 2 km à travers la petite ville d'Aixe sur Vienne. Après une bifurcation commence une petite vallée abritant l'Aixette (petite rivière pas plus large que notre Alzette). Le chemin est bien ombragée et je compte cinq moulins sur une distance d'environ cinq kilomètres. J'aimerais bien habiter un de ces moulins dans ce calme absolu. Arrivé à Saint-Martin-le-Vieux, le chemin se divise en deux avec des balisages différents. Je choisi celui portant une petite marque à côté de la flèche, « nouveau tracé » et hop c'est fatal. Le chemin se rétrécit de plus en plus, par endroit il est très glissant et des arbres déracinés encombrants le tracé gênent le passage. Une végétation haute d'au moins un mètre fait du chemin une corvée et en prime ça ne monte pas mal. Réellement, je ne vois pas des personnes âgées faire ce trajet. Heureusement cela ne dure qu'une demi-heure avant que les 2 variantes ne se réunissent de nouveau, enfin diable. Maintenant il faut marcher par des départementales ce qui est moins beau mais aussi moins pénible. Maintenant je remarque les premiers palmiers ce qui montre que je m'approche lentement mais sûrement du Sud. À Flavignac, petit patelin où j'espérais trouver un restaurant, je dois me résigner au fait qu'aujourd'hui ce n'est définitivement pas mon jour : le resto est archicomble. Puisque c'est l'unique restaurant non seulement du bourg mais dans un diamètre d'environ 20 km, j'entame les derniers 4 km pour arriver aux Cars. Mon hôtel ne s'appelle plus « Relais des Cars » mais désormais « Le Simone ». Ma nuitée est quand même bien enregistrée. Pour déjeuner c'est trop tard. Donc je prends une bonne petite douche avant de m'allonger pour une bonne petite sieste. Ma chambre spartanique style années 50 n'a ni télévision ni wifi. Je me sens coupé du monde et pourtant j'ai le sentiment exaltant d'être un vrai pèlerin, sans le moindre luxe. À 19.30 hrs je suis et je reste l'unique hôte. Un Picon-Bière en apéritif. J'ai le choix entre une terrine avec un cornichon ou des crudités, alors la terrine. En plat, des chipolatas frites avec légumes et en alternative... je m'en souviens plus. Je prends les chipolatas. Les frites sont cuites dans une graisse aussi vieille que ma chambre. J'aurai pu cuisiner moi-même, j'aurai même mis 2 cornichons voire 3 avec la terrine. En dessert 2 morceaux de fromage sortant du réfrigérateur, un éclair avec de la chantilly, de la vraie, qui l'eut crû? Voilà un véritable menu pèlerin pour un pauvre pèlerin dans une chambre miteuse et défraichi. À vrai dire je ne suis pas si mécontent que ça, peutetr ossi parseke jai but ain pikkobierre et ainn demieee dee rusch! Sans alcool une journée pareille n'est pas supportable.
6) De Les Cars à La Coquille 21 km
31 mai : Après un petit déjeuner correct je reçois un joli tampon dans mon crédencial et je me mets en route. Il y a du brouillard car hier soir il y avait un petit orage et il pleuvait. Le chemin commence à monter jusqu'à une altitude de plus de 500 mètres où la Dronne prend sa source.
Cela ne me dit rien mais enfin, une petite rivière. Une très agréable marche jusqu'à Bussière-Galant, petit bourg tous commerces où je m'offre un petit café. 2 kilomètres plus loin une gare SNCF en fonction, c'est même la ligne principale entre Limoges et Périgueux, certes sans électricité mais bien entretenue. À partir de là je marche pendant plusieurs kilomètres le long de la voie, facile à marcher et pas monotone du tout. Tout de suite après la gare on entre dans le département de la Dordogne (24) en Aquitaine. Beau paysage, doux, relativement plat, jusqu'à
« La Coquille » où j'ai réservé une soirée étape à l'hôtel « Les Voyageurs ». Il faut que je précise maintenant. Non seulement je suis entré en Dordogne en région Aquitaine, mais c'est aussi le Périgord et là on rentre dans le vif du sujet point de vue gastronomie. Puisqu'on y est et suite aussi à la déception d'hier je suis bien décidé de me gâter ce soir. J'opte pour le menu "Plaisir": la tranche de foie gras suivi d'une entrecôte grillée, fromage et dessert, une demi-bouteille de rosé de Bergerac. Repas exquis. La maison a bien mérité ses 3 cheminées et ses 3 cocottes. Le nom du village est bien sûr lié à l'histoire jacquaire. Pourtant inutile de chercher une quelconque trace laissée par les pèlerins de passage. Pire, on raconte que les jacquets arpentant la région se faisaient détrousser par des brigands sans doute des "coquillards".
7) De La Coquille à Thiviers 20 km
01 juin : Je me lève tard (07 heures), car aujourd'hui il y a une étape dite courte. La météo annonce plus de 30 degrés pour l'après-midi. Avec mon nouveau sparadrap au pied je marche beaucoup mieux. Même s'il n'y a rien d'extraordinaire à signaler pour cette étape, elle est pourtant une des plus belles jusqu'alors. Un paysage très harmonieux, des côtes et des descentes, un calme absolu, de temps en temps un petit hameau avec un chien aboyant. Le trafic routier est quasi inexistant. Ne faisant aucune pause, un vrai pèlerin boit en marchant, j'arrive encore avant midi dans la ville de Thiviers. Au moyen âge, Thiviers était l'une des places fortes du Périgord. C'était aussi une halte obligée pour les pèlerins de Compostelle. Mon hôtel « de France et de Russie » se trouve sur le chemin, mais il n'y a personne. Juste une pancarte dans la fenêtre pour me renseigner sur l'absence: « on a dû sortir pour un moment » et un numéro de téléphone. Alors j'appelle et une voix sympathique me donne le code pour entrer dans l'hôtel par la porte de derrière.
Cela marche et en attendant le retour des propriétaires je prends déjà une douche. Ma chambre se trouve à l'étage et au moment même où je descends pour voir s'il y aurait enfin quelqu'un, on sonne à la porte principale. Un couple de pèlerins demande d'après leur chambre réservée. Parce qu'ils me prennent pour le patron je les fais entrer pour leur expliquer les faits et pour attendre ensemble l'arrivée de la patronne. Elle revient à l'instant même, ses courses sous le bras. Elle est anglaise et parle parfaitement le français. Tout le monde se présente et elle nous fait un café respectivement un thé de bienvenue. Après avoir fait ma lessive je me permets une petite sieste. Le soir, je dîne avec les 2 autres pèlerins.
Il est irlandais de Cork tandis qu'elle est allemande, mais elle vit à Coventry en Angleterre. Ils se sont connus sur le chemin en Espagne et font un peu comme moi, tous les ans une partie. Ils l'ont déjà fait 3 fois. La patronne nous prépare une quiche au saumon accompagnée de salade puis des spaghettis bolognaise avec carottes et haricots issus de son propre jardin et un dessert banane avec une sorte d'œufs brouillés, le tout excellent.
8) De Thiviers à Sorges 14 km
02 juin : À huit heures je prends mon petit déjeuner en terrasse devant le joli hôtel. Il fait déjà 22 degrés et c'est le jour de marché. Après une visite sommaire de l'église je fais mon marché. Plein de produits locaux sont exposés, dommage seulement que je ne peux rien emporter car je suis un peu limité avec mon sac à dos. Mais déjà cette atmosphère de marché me fait du bien. L'étape d'aujourd'hui ne mesure que 14 kilomètres, une petite mise en jambes, dirait un bon pèlerin. Au menu, une route rectiligne pendant 10 bornes, la « Route Napoléon », cependant rien ne témoigne de son illustre existence, pas le moindre panneau d'information. Certainement quelqu'un se disait que le plus court chemin passait par la ligne droite. Idéal pour faire de la marche méditative, ça me rappelle un peu la meseta espagnole, seulement là il s'agissait de 100 km. Naturellement j'arrive encore avant midi à Sorges. Le patron du gîte m'accueille avec un sourire chaleureux et me dit: « Soyez le bienvenu chez nous et faites comme chez vous ». Il m'avertit de suite que si je voulais dîner dans l'unique restaurant du village ce soir il faudrait réserver absolument. Chose dite, chose faite. Le restaurant n'est qu'à 200 mètres de mon auberge. Le moins que je puisse dire c'est que ce fameux restaurant « Auberge de la truffe », est une des meilleures tables du coin. Comme son nom l'indique déjà, il s'agit de déguster la truffe sous toutes ses formes. Pour ceux qui n'aiment pas le tubercule tant appréciée (comme moi), il existe une alternative. Symphonie de thon et de saumon, le thon nappé de caviar, du véritable, succulent, pointes d'asperges avec un œuf poché, cuisse de pintadeau et petits pois, fromage et dessert. Le sommelier me semble extrêmement compétent et nullement prétentieux. Il ramasse même les parasols de terrasse quand soudain un violent orage éclate.
9) De Sorges à Périgueux 24 km
03 juin : Il pleut pour la première fois depuis le début de mon périple, je mets donc ma pèlerine et installe mon parapluie spécial pour sacs à dos avant de me lancer dans la bataille. Le chemin commence par un chemin forestier herbeux et boueux. Après à peine 50 mètres mon livre-guide tombe dans la boue. Imaginez les mots qui m'ont échappés, mais je ne les énumère pas ici. Cinq kilomètres durait ce p... pardon cette saleté de chemin. Retour sur le goudron et faute de guide j'y reste jusqu'à Périgueux. À mi-chemin il s'arrête de pleuvoir et le soleil fait des timides percées. À cause du mauvais temps je n'apprécie pas vraiment le paysage, pourtant il ne me semble pas si mal. J'aperçois 2 vignobles, certes très modestes, probablement des initiatives privées. Juste avant d'arriver à Périgueux, je rencontre le couple de pèlerins d'hier et un pèlerin néerlandais, Harry, 69 ans qui est déjà en route depuis le 14 avril et veut aller au bout du monde. Visite obligatoire de la cathédrale où l'on se croira en Orient avec toutes ces coupoles. Nous prenons un café ensemble avant que je ne rejoigne mon hôtel Ibis en compagnie de Patrick (76) l'irlandais et Angelika l'allemande d'Angleterre qui y veulent demander pour une chambre. Plus tard on se croise en ville pour un autre café. Cette ville me plaît tellement que j'aimerais y rester tout de suite. C'est une ville à taille humaine de quelques 35000 habitants et capitale du Périgord. Bien qu'il y a beaucoup de restaurants je choisis le "Maître Kanter", non pas parce que j'aime bien, mais tout simplement parce que les autres sont des petits restos et vite archicomble. Vite fait, bien fait, une salade grecque pour honorer la Grèce puis un cœur de Rumsteck, un café.
10) De Périgueux à Saint-Astier 26 km
04 juin : Il ne fait ni chaud ni froid, juste comme il faut. La sortie de la ville s'avère longue et à sa fin il faut gravir une ancienne voie romaine. Arrivé en haut je suis déjà trompé de sueur, mais enfin. Dans les environs de Chancelade je me trompe de chemin et je fais 3 km en vain, le balisage faisant défaut. Par pur hasard je retrouve le fléchage plus loin. Il y a eu plusieurs modifications de parcours, j'aurai pu les télécharger sur internet mais encore aurait-il fallu le savoir. Mais le bonheur ne dure pas. Sur la déviation prévue par un sentier forestier, je me retrouve soudain devant une flaque d'eau infranchissable due à l'orage d'il y a deux jours. Demi-tour jusqu'à la sortie du bois pour essayer un autre chemin. Dans le premier hameau que j'atteins je demande à un passant quel chemin il fallait suivre et il me répond: « alors là vous êtes complètement faux ». Je lui explique que je faisais déjà environ cinq km pour rien et il a tellement pitié de moi qu'il prend sa voiture et me conduit dans le village de Gravelle où je me remets sur la bonne piste. Il est déjà midi et juste devant moi (volonté de dieu ?) j'aperçois un tout petit et tout gentil restaurant. Bonne occasion pour calmer les esprits. Le menu du jour est affiché sur une grande ardoise, Potage, salade de chèvre chaud avec une tranche de jambon, rôti de bœuf avec frites, fromage ou dessert, carafe d'eau, vin offert, le tout pour 12€.
La patronne dépose une demi-carafe de rouge sur ma table sans me demander et ainsi de suite. Enfin elle arrive avec un énorme plateau de fromage, l'installe devant moi et dit: "Prenez autant que vous en voulez, Monsieur". Je me sens reculé dans une autre époque et me demandes comment c'était possible d'offrir un menu à un tel prix tout en supposant qu'il leur restait quand même encore un petit gain. Au plein milieu de mon repas je vois de loin arriver Harry, ma connaissance hollandaise, qui gesticule pour m'avertir qu'il vient aussi pour manger. Après notre repas nous reprenons chemin ensemble pour les 10 km restants jusqu'à Saint-Astier. Mais là encore il nous faut faire un détour supplémentaire de 4 km à cause d'un manœuvre militaire. Je suis sûre que l'étape d'aujourd'hui dépasse largement ses 30 km avec tous les détours inutiles. Ma chambre d'hôte se trouve sur les rives de l'Isle et s'appelle ainsi. L'emplacement est à rêver, et j'ai une vue exceptionnelle sur la rivière depuis mon lit. Patrick et Angelika trouvent gîte dans la même maison que moi et nous décidons d'aller dîner ensemble dans une Pizzeria. Nous passons une soirée très intéressante et animée, nous parlons de l'Irlande et de l'Angleterre, de l'église anglicane et de la catholique et évidemment de notre chemin. Vu le menu copieux à midi je ne mange (doutes !!!) que très peu.
11) De Saint Astier à Mussidan 26 km
05 juin : Breakfast sur la rive droite de l'Isle en présence d'Angelika et de Patrick, Pádraig en gaélique, et qui est chairman of "the Irish Society of the Friends of St. James". Parce que Pádraig avec ses 76 ans met un peu plus de temps à démarrer le matin, je reprends mon chemin seul. C'est un chemin facile aujourd'hui et je marche gaiement à travers champs et sous-bois, parfois le long de la rivière, il y de rares montées.
A Douzillac, Harry est attablé sur une belle terrasse en lisant un bouquin, un peu comme s'il m'attendait déjà. Harry est comme moi grand buveur de café et à chaque occasion qui se présente il en profite. Alors, un café et un Perrier et comme hier nous finissions cette étape ensemble (encore une dizaine de kilomètres). Après la douche je m'approvisionne parce que demain il n'y aura rien à acheter sur 35 kilomètres. De retour à mon hôtel « Le Grand Café », qui s'appelle ainsi tout simplement parce que le café (le bar) est très grand je prends un café au comptoir. Le patron et l'un de ses clients m'impliquent dans des grandes discussions financières par rapport au secret bancaire. Pádraig, Angelika et Harry viennent me délivrer pour aller manger tous ensemble au restaurant « Marmitou », un routier comme je les connais de la Bretagne, vite fait, bien fait et bon marché.
12) De Mussidan à Sainte Foy la Grande 35,5 km
06 juin : En tant que unique client, je prends pour petit déjeuner un grand café dans ce grand café. J'ai droit à une baguette entière, un pain au chocolat, un croissant, du beurre et de la confiture ainsi qu'à un jus d'orange pour le prix imbattable de 5€. Il pleuvait toute la nuit et ponctuellement lors de mon départ la pluie s'arrête. Mais le ciel reste menaçant et vu la distance de cette étape je décide de ne pas faire de compromis et prends la départementale, la D 20 pour avancer plus rapidement. Du bitume du début à la fin. Cela rend les mollets encore plus durs. Quelques petits hameaux, les vignobles deviennent de plus en plus fréquents. En arrivant dans la plaine de la Dordogne la végétation change brusquement, désormais je vois des pins, des acacias, du bambou et palmiers. Le climat change aussi il est nettement plus chaud. En franchissant le pont sur la Dordogne on change de département, maintenant c'est le département de la Gironde (33). Encore une dizaine de bornes jusqu'à Sainte Foy la Grande, toujours le long de la rive gauche de cette belle rivière. Mon « Hôtel de la Gare » se trouve en face de la gare SNCF, oh miracle ! Après la douche obligatoire et une sieste bien méritée, je sors en ville pour voir un peu. Je bois une pression sous les arcades ombragées quand Harry arrive et me raconte qu'il aurait fait 40 km parce qu'il s'était trompé de chemin. Satisfaction, cela n'arrive donc pas seulement à moi. Harry prend aussi une pression et retourne ensuite au refuge des pèlerins. Puisque demain on ne se verra plus je lui souhaite une bonne continuation jusqu'à Saint Jacques de Compostelle et surtout de rester en bonne santé. Comme le hasard le veut, Pádraig et Angelika logent dans le même hôtel que moi et nous dînons encore ensemble.
Journée de repos à Bergerac
07 juin : Je prends congé de mes amis pèlerins et monte dans le train en destination de Bergerac.
Vingt cinq minutes plus tard j'y suis. Au début je suis un peu déçu, à première vue la ville ressemble à n'importe quelle autre. Mais en entrant dans la vieille ville le décor change subitement. Petits commerces et restaurants sur des places de marché, un musée du vin, un musée du tabac, la maison de Cyrano de Bergerac. La ville de Cyrano de Bergerac compte quelques 29.000 habitants. Pour déjeuner je choisis le restaurant médaillé "L'Imparfait" qui se retrouve juste à côté du restaurant « Le Plus-que-parfait ». Le "Passé Simple" existe aussi, mais ne se trouve pas dans la vieille ville. Reste à savoir s'il y'a aussi un « Impératif » ou encore un « Présent ». Après une promenade approfondie le soir je franchi encore une fois le pont sur la Dordogne pour faire des photos de la ville illuminée. Hélas, la nuit la belle ville est décevante, il n'y a plus personne dans les rues, les restaurants ferment à 22 heures, il n'y a plus aucun bar ouvert pour prendre un dernier pour la route. Déçu je rentre dans mon hôtel et hop au lit.
Un pèlerin en route pour l'aéroport 5 km
08 juin : Je mets tout mon temps ce matin, je traîne même. Petit déjeuner à 08.30 heures. J'attends l'ouverture des magasins afin de pouvoir acheter un beau cadeau pour ma bibiche. Hier soir j'avais vu une belle paire de boucles d'oreilles dans une vitrine mais la bijouterie était déjà fermée. Parce que j'ai tout mon temps aujourd'hui je décide de faire une excursion en bateau sur la Dordogne. Le trajet dure une heure et demie, parfait pour passer le temps jusqu'à midi. Un dernier repas au Périgord, au restaurant "Moutarde" : risotto aux cèpes avec une tranche de foie gras poêlée. Et puis comme cela se doit pour un bon pèlerin et pour bien digérer le repas, une dernière mise en route. Maigres 5 kilomètres seulement pour arriver à l'aéroport de Bergerac. Evidemment j'y suis trop (très) tôt, heureusement que le snackbar a tout pour plaire, belle terrasse, wifi, vue sur la piste mais hélas il n'y a pas ou très peu de mouvements d'avions.
Chapitre
6
De Sainte-Foy-la-Grande à Saint-Jean-Pied-de-Port
En TGV à Bordeaux puis en train à Sainte-Foy-la-Grande
19 septembre : A huit heures du matin, je monte dans la rame en gare de TGV Lorraine. Le train passe par la Meuse, la Champagne et continue son chemin par Massy au sud de Paris. C'est pratique de ne pas avoir à changer de train à Paris. Les prochains arrêts sont Saint-Pierre-des-Corps, Poitiers et Angoulême. Il est assez rare qu'un pèlerin se déplace à plus de 300 km/h. Bien que le paysage file en regardant par la fenêtre on n'est pas conscient de cette vitesse élevée. A 15.30 heures nous arrivons dans la très belle gare de Bordeaux Saint-Jean. A mon goût elle est un peu trop grande, car avec moi des milliers de voyageurs attendent leurs correspondances. Mon train en direction de Sarlat part seulement dans une bonne heure. Pour passer le temps d'une manière quelque peu agréable et productif je rentre dans un Mac Donald implanté dans une des halles de la gare. La première fois de ma vie je vois que l'on ne fait plus sa commande au comptoir, mais sur une machine. Dans une borne installée à quelques mètres du comptoir on choisit les produits voulus à l'aide de pictogrammes. Evidemment on ne peut que payer avec la carte de crédit (et ceux qui n'en ont pas, alors ?). Il ne reste plus qu'à aller chercher son plateau au comptoir après avoir été appelé par le numéro d'enregistrement. Je trouve cela tellement débile que je renonce. Frustré je pars sans manger. Heureusement il est temps pour mon train. Je décroche une place assise mais beaucoup de gens n'en ont pas. Le train est largement surchargé et à chaque halte montent encore des passagers sans que quelqu'un descende. Je descend à Sainte-Foy-la-Grande, la sixième halte après Bordeaux. Mon hôtel se trouve en face de la gare. Enfin! Après une bonne douche, j'explore la petite ville médiévale et les cartes de ses restaurants. Mais, mon choix est vite fait, étant donné que la plupart des restaurants sont fermés. Je choisis « Le Grain de Sel », belle terrasse et belle ardoise, saumon mariné en entrée et confit de canard en plat. Je ne vais pas perdre des mots là-dessus, une déception ! Journée à classer dans la catégorie « à oublier ». Allez-hop au lit !
1) De Sainte-Foy-la-Grande à Saint-Ferme 27 km
20 septembre : Un petit déjeuner correct pour seulement 6,50 € et c'est parti pour de nouvelles aventures sur « mon » chemin. Il faut m'habituer de nouveau à porter un sac à dos de 12 kg alourdi encore par 2 bouteilles d'eau. C'est le jour de marché à Sainte Foy et la petite ville grouille de monde. Dommage que l'église soit fermée. Je quitte la ville par l'avenue Maréchal Leclerc. Je marche d'abord sur une Départementale jusqu'au Pont de la Beauze. Après une petite montée par un chemin en impasse je me retrouve dans les vignobles de l'« Entre-Deux-Mers » des vins de Bordeaux. Les vendanges viennent de commencer et ci et là je vois les machines au travail. Le chemin est assez vallonné jusqu'à Pellegrue, ma destination prévue pour aujourd'hui. Je fais la connaissance d'un groupe de Brésiliens fort de 2 hommes et 3 femmes, ils font le chemin en voiture depuis Paris. Le parcours est agréable et je marche souvent du côté des vignes où il y a un espace couvert d'herbe moins fatiguant que le tarmac. A Pellegrue il n'y a rien d'ouvert, je continue donc ma route. Un couple de Bretons de Nantes, Monique et Jacques, qui jouent les « Hospitaliers » chaque année pendant quinze jours dans un refuge pèlerins m'invitent à venir chez eux à Saint-Ferme pour gîte et couvert. Puisqu'il ne reste plus que 6 kilomètres jusqu'à Saint-Ferme, j'accepte. Il fait très chaud, largement 30°C. A mon arrivée au gîte je suis chaleureusement accueilli avec une boisson fraîche. Après la douche je fais un tour du village et je visite l'Abbaye bénédictine du 11e siècle. Une messe est en cours et je reste un petit moment. Un curé polonais lit la messe avec son drôle accent de l'est mélangé au patua du Sud. Je ne comprend pas grand chose et quitte la scène. Avant le dîner, Jacques et moi dégustons un petit coup de Rosé tout en attendant sa femme Monique, qui elle aussi est à la messe. Jacques a déjà tout préparé, une soupe de légumes, une salade de tomates, poulet aux aubergines et un riz au lait en dessert. Le tout est délicieux. Nous parlons beaucoup de la Bretagne et des pèlerinages. Merci et une bonne nuit.
2) De Saint-Ferme à La Réole 20 km
21 septembre : J'ai bien dormi et après un petit déjeuner en compagnie de mes hôtes je fais mes adieux à Monique et Jacques. Il y a du brouillard ce matin, mais c'est dimanche et il n'y a donc pas de trafic. De temps en temps j'entend des tirs, la chasse est ouverte. D'ailleurs il me semble que c'est la journée de l'animal aujourd'hui. Un chevreuil passe à 20 m devant moi et puis j'aperçois un écureuil qui continue tranquillement à croquer un gland sans me fuir. Je vois des chevaux, des chèvres, des perdrix, des oies et canards. Marcher dans la solitude de la campagne c'est le bonheur, faire des rencontres avec des animaux, c'est le grand bonheur. Le premier village traversé est Coutures. Quelques très vieilles maisons et granges abandonnées, un ancien lavoir, une église. Ici, je me dois d'exprimer un grand merci à la mairie qui entretient des toilettes propres au service du pèlerin dans une petite annexe de l'église. A Saint-Hilaire-de-la-Noaille, Jacques m'a déjà réservé un lit pour ce soir. Je dépose mon sac à dos et je continue encore 5 km jusqu'à La Réole parce que 15 km ne me semblent pas beaucoup. Bernadette, la patronne du gîte de la Peyrière me propose de venir me chercher à 16 heures devant l'église à La Réole. Ce dimanche est journée du patrimoine et on peut visiter gratuitement les bâtiments de l'ancien Prieuré près de l'église Saint-Pierre. La Réole a toujours été une halte importante sur la voie de Vézelay. Ici les moines aidaient les pèlerins à franchir la Garonne. De nos jours ce n'est plus nécessaire, car il y a un pont. Ponctuellement à 16 heures, Bernadette est au rendez-vous et me ramène à son gîte. La soirée et le souper se passent dans une ambiance conviviale. La patronne ne travaille qu'avec des produits frais de son potager. Une soupe de légumes, salade de tomates, des nouilles, des cuisses de poulet, un gratin de blette et pour dessert clafoutis de cerises (je n'ai pas mangé de dessert), du pinard. Des militaires belges sont installés au gîte, de vrais hommes costeauds, des parachutistes qui n'ont peur de rien. Ils viennent tous les ans s'exercer en Aquitaine. Ici, le beau temps est presque garanti pour l'été indien. Ils ont tout amené : bus et ambulance, même leur propre kérosène. L'avion qu'ils utilisent est loué en suisse et ressemble à une grande boîte de sardines équipée d'ailes. Les militaires sont tous des Flamands et parlent un français horrible, mais néanmoins ils sont tous très sympatique.
3) De La Réole à Bazas 27 km
22 septembre : Quand je descends de ma chambre, Bernadette a déjà tout préparé, pain grillé, café au lait, confiture etc. Avant de partir la patronne me tend son livre d'or que je dois embellir de quelques jolis mots. Serge, le mari de Bernadette est déjà dans sa volière pour choisir les poules à tuer pour ce soir. Quand Bernadette l'appelle afin qu'il me fasse ses adieux, il laisse le portail ouvert et quelques poules s'enfuient, la panique est là. Entretemps Bernadette a sorti la voiture pour me ramener à la sortie de La Réole près du pont qui enjambe la Garonne. On se fait la bise et je la remercie pour tout. Le pont suspendu, long de quelques 150 m, date des années 1930. La journée commence bien, le soleil est au rendez-vous. Le premier village est Floudès qui me semble presque déserté. Je crois qu'ici il y a beaucoup de résidences secondaires car je ne vois ni homme, ni chien bouger. Les premiers kilomètres sont agréable à marcher. Entre champs de maïs, peupliers et noisetiers à perte de vue j'avance à pas sûrs. Maintenant les vignobles deviennent rares tandis que la forêt de pins des Landes se fait remarquer de plus en plus. La forêt des Landes est la plus grande forêt de France. A Auros on est déjà en pleine forêt. Au lieu des 27 km prévu j'ai bel et bien marché 35 km car à certains endroits le balisage est douteux ou n'existe pas du tout. Parfois il y a plusieurs balisages différents les uns des autres. Je ne sais quoi faire et pour la première fois j'utilise le GPS intégré dans mon mobile. C'est le moment où je me demande ce que faisaient les pèlerins du moyen âge dans une situation pareille. Les 10 derniers kilomètres avant Bazas sont particulièrement durs parce que je souffre de douleurs du bassin et des cuisses. En plus, la chaleur, il fait dans les 30° C, est pesante. Arrivé à Bazas je prends tout de suite une bonne douche. Puis je m'en vais en pharmacie pour prendre conseil. Tout le monde est bien d'accord qu'il s'agit d'une sciatique et que je dois me soigner avec de la Voltarène. Après avoir enduit les membres douloureux du médicament, je visite la cathédrale Saint-Jean-Baptiste, impressionnante par ses dimensions. Je finis la soirée dans le seul restaurant ouvert et je m'offre un menu à 25 €. En entrée un velouté de panais (un vieux légume oublié) avec poireaux et toast figue et fromage de chêvre, en plat espadon accompagné de purée et champignons des bois, vin, café et dessert inclus dans le prix. Je renonce au dessert comme souvent.
4) De Bazas à Captieux 20 km
23 septembre : Je me lève à 7 heures et j'ai moins mal que la veille. Après un petit déjeuner très correct je m'essaie donc sur le terrain. Le mal étant supportable, je continue mon chemin. Pendant un petit moment je longe la D932 avant de prendre l'ancienne voie ferrée transformée en piste pédestre. La voie est pratiquement rectiligne sur sa totalité à travers la forêt. Des pins à perte de vue. Il n'y a pas grand chose à dire de cette étape, tellement c'est monotone, toujours tout droit et puis encore tout droit. A mi-chemin je téléphone à l'hôtel « Le Cap des Landes » pour réserver une chambre. A mon arrivée je constate qu'ils ont de la bière allemande « Bitburger », une bière que j'adore. La chambre style annéés 50 ou pire me laisse douter de la qualité de la nourriture. La formule pèlerin prévoit une chambre, le souper et le petit déjeuner. Mes soucis concernant le dîner ne se confirment heureusement pas. C'est même délicieux. Garbure (soupe de légumes avec gros morceaux) puis « Navarenn de volaille » ( une sorte d'émincé bien épicé). Je suis le seul client et pendant le repas le patron m'entretient de la guerre aux pays arabes. C'est le jour de la décapitation du Français kidnappé en Algérie. A la fin du repas, le patron éteint et la TV et la lumière. Tout en me souhaitant une bonne nuit il s'en va, apparemment il est très fatigué.
5) De Captieux à Roquefort-des-Landes 34 km
24 septembre : Le petit déjeuner vite fait bien fait et c'est parti pour une très longue étape. Le chemin commence comme il a fini hier, monotone, sur l'ancienne voie ferrée dans cette immense forêt de pins et de bruyère. Pistes forestières, chemins de terre et pistes sablonneuses alternent. Il n'y a pas la moindre courbure sauf celle qui oblige le pèlerin à prendre une déviation de 5 km à cause de la nouvelle autoroute de Bordeaux à Pau. Cela explique aussi la longueur de l'étape, avant elle ne faisait que 29 km. Aujourd'hui je quitte aussi le département de la Gironde (33) pour celui des Landes (40). J'entends de plus en plus d'avions-chasseurs étant donné que je m'approche de la base aérienne de Mont-de-Marsan. Roquefort des Landes est une petite ville où il fait bon vivre, tous commerces, bars, restaurants. De surcroit une ville autrefois fortifiée, comme en témoignent ses remparts et ses tours. Ce soir j'ai une belle chambre à l'hôtel « Le Colombier ». Le dîner, encore de la Garbure (soupe de gros morceaux de légumes), jambon de Bayonne avec fromage de Roquefort, confit de canard avec pâtes, gâteau basque, le tout à 16,50 €. Le service est un peu rude et les plats plutôt moyens.
6) De Roquefort-des-Landes à Mont-de-Marsan 31 km
25 septembre : Je marche encore entre pins et fougères. Je traverse les villages de Corbleu, Bostens, Gaillères et Bougue. A Bostens, au km 8, une belle surprise m'attend : une « halte pèlerin ». On entre par une porte dotée d'une vraie coquille de St Jacques et on se retrouve dans un séjour équipé d'un fauteuil, d'une table, de chaises, d'un frigo rempli de provisions et boissons fraîches. Ici quelqu'un est au bon soin du pèlerin qui vient de loin et s'en va loin. Il y a même un tampon pour compléter la crédenciale du pèlerin. Au milieu de la table repose un petit cochon-tirelire dans lequel le pèlerin reconnaissant fait son don. Je mets toutes les pièces qui pèsent dans mon portemonnaie pour remercier et soutenir cette initiative. Il n'y a personne dans cet endroit calme et propre. Hélas, je ne peux rester, il reste encore un bout de chemin à faire aujourd'hui. A Gaillères je fais une autre pause au « Cœur des Landes », une maison qui fait fonction d'hôtel-restaurant-bar-épicerie-poste et cuisine à gestion libre pour les pèlerins. Je bois un Coca sur la belle terrasse ombragée. Je continue ensuite sur Bougue où je m'arrête derrière l'église pour manger une boîte de thon. Un peu après Bougue je suis encore l'ancienne voie ferrée mais cette fois-ci elle est goudronnée et aménagée pour les cyclistes. La piste est longue de 9 kilomètres, rectiligne et très monotone. Le dernier tiers de la piste mène déjà à travers les faubourgs de Mont-de-Marsan. Mon hôtel « Le Sablar » se trouve en plein centre-ville. Il ne fait pas restaurant ce qui n'est pas grave du tout. J'ai l'embarras du choix et je choisis le « Don Quijote » pour un excellent dîner.
Journée de repos à Mont-de-Marsan
26 septembre : Cette ville mérite d'être visitée à fond. Je suis maintenant au beau milieu de mon périple et mes os m'en remercieront, je décide donc de rester une journée. Mont-de-Marsan, une ville de 30.000 habitants avec 3 rivières. Ici le Midou et la Douze se marient, formant ainsi la Midouze et ce en plein centre-ville, un endroit de rêve. Dans le quartier médiéval, beaucoup de vieilles bâtisses valent une photo. Le musée Despiau-Wlerick se trouve dans un donjon du 14e siècle. Ces 2 sculpteurs locaux, reconnus bien au-delà des frontières du département, exposent leurs sculptures non seulement au musée mais aussi dans le grand jardin-parc adjacent. A l'Office du Tourisme je reçoit un joli tampon pour ma crédenciale. A midi je déjeune sur la belle terrasse d'une brasserie près de la rivière, le soir pour le dîner, même rivière mais autre brasserie. Il faut bien récupérer un peu et se refaire des nouvelles forces.
7) De Mont-de-Marsan à Saint-Sever 21 km
27 septembre : La sortie de la ville est facile et l'immense forêt des Landes fait peu à peu place aux champs de maïs, encore ! Une succession de petites routes pour traverser seulement 2 villages, Benquet et Sainte-Eulalie où je fais ma pause de midi avec une petite barre de muesli. Après Sainte-Eulalie je longe l'Adour, un fleuve qui se jette dans l'Atlantique à hauteur de Biarritz/Bayonne. Je passe le pont de Péré. Avant de terminer l'étape à Saint-Sever il faut arriver au bout d'une montée assez raide. Mon hôtel « Les Arceaux » fait bonne mine, ma chambre spacieuse avec 2 lits me plaît et elle est calme parce qu'elle se trouve à l'arrière de la maison. L'après-midi je fais le tour de la ville tout en me permettant 2 pressions sur une belle terrasse. A Saint-Sever il y a deux couvents, le couvent des Jacobins avec sa chapelle Saint-Jacques et l'ancienne abbaye des Bénédictins. Ici on a installé la mairie où se déroule actuellement une cérémonie de mariage, je renonce donc à la visite. Des maisons fortes ou anciens châteaux témoignent de la prospérité d'antan. Pour terminer la soirée, je choisis le restaurant « Le petit Sever » et j'en reçois pour mon argent. Aiguillettes de canard avec salade en entrée, en plat de résistence confit de canard avec pommes de terre, tarte citron et un café. Le tout pour 18 €. Un quart de Rosé n'est pourtant pas inclus. Le lieu est sympathique car il dispose d'une cour intérieure avec terrasse, un Patio.
8) De Saint-Sever à Hagetmau 22 km
28 septembre : Je n'ai presque pas dormi malgré ma chambre au calme. Dans une petite ruelle derrière mon hôtel c'était la fête avec nuit blanche. De la musique jusqu'à 3 heures du matin. Mon patron aussi avait du mal à se lever ce matin. Par vengeance il ouvre donc avec plein d'énergie et beaucoup de fracas la porte métallique et se met à préparer mon petit déjeuner. Il est déjà 9.30 heures quand je pars pour Hagetmau. Heureusement l'étape d'aujourd'hui ne compte que 22 km, rien qu'une mise en jambes pour le pèlerin confirmé qui je suis devenu maintenant. Par des chemins empierrés et des sentiers herbus je quitte la ville. Toujours des champs de maïs à perte de vue. Je longe une belle rivière, le Gadas et je continue pour Audignon où je me repose un moment sur un banc à l'ombre de l'église sur la place Compostelle. Dans le village suivant, Horsarrieu, le seul bar est fermé à cause d'une partie de jeu de quilles qui se joue à l'extérieur et où vraisemblablement tous les villageois participent. Encore 3 km jusqu'à Hagetmau. Il est dimanche et comme d'habitude en France, la ville semble désertée. Un seul restaurant est ouvert, le « Relais Basque » : J'entre et, surprise, un pèlerin (enfin !) est déjà attablé et attend son plat. C'est un Néerlandais de Maastricht et il s'appelle Jcheff. Pour faciliter les choses il se nomme Joseph, comme moi. Et puisque le monde est petit, il connaît Harry, cet autre pèlerin néerlandais que j'ai connu lors d'un de mes précédents périples et qui est devenu ami depuis des années déjà. Alors on déjeune ensemble. Mon hôtel « La Crémaillère », à l'écart du centre-ville ne fait pas de restauration les dimanches soirs, alors j'opte pour un Intermarché dans la zone industrielle qui fait des Burgers et Pizzas. Il faut commander au comptoir et manger dehors sur le parking.
9) De Hagetmau à Orthez 30 km
29 septembre : Ce matin il ne fait ni chaud ni froid, donc température idéale pour la marche et je suis en pleine forme. Dès le début j'ai droit à différentes rencontres animalières. D'abord 2 chevreuils me sautent presque dans la figure pour traverser la petite rue à côté du champ de maïs à moins de 5 m de moi. Quelques minutes plus tard un gros sanglier accélère pour me fuir. Peu à peu les champs de maïs à perte de vue font place à un paysage plus différencié et plus vallonné. Je traverse les villages de Labastide-Chalosse puis Argelos. Enfin Sault-de-Navailles qui marque la limite entre la Gascogne et le Béarn. C'est la dernière fois que je change de département avant les Pyrenées. A partir de mainteneant c'est le département des Pyrenées-Atlantiques (64). Le balisage est assez moche mais après quelques doutes et essais, je réussi à retrouver le bon chemin qui ne cesse de monter jusqu'à Sallespisse (oui ça s'appelle ainsi) où il se met ... à pleuvoir. Rien de méchant, première occasion de profiter de mon super-parapluie fixé au sac à dos. Orthez, la jolie petite ville sur les rives du Gave de Pau, (un gave est l'expression pour une rivière des Pyrenées occidentales ), avec ses vestiges de remparts médiévaux, son église Saint-Pierre, sa tour Moncade me plaît bien et me donne envie de rester encore un jour. Ce soir, je dîne dans mon hôtel « La Reine Jeanne » : chipirons accompagnés de riz noir en entrée, la pièce de bœuf aux échalottes et un quart de rouge. Très content de cette journée je me retire tôt au lit.
10) D' Orthez à Sauveterre-de-Béarn 24 km
30 septembre : Il pleut et je quitte la ville par une route très fréquentée. Les voitures et camions frappant de pleine vitesse les nids de poules bien remplies par la pluie et les vasques d'eau du bord de route m'aspergent de sorte que je suis tenté de retourner et de rester en ville aujourd'hui. Heureusement, je peux quitter la grande route après 2 kilomètres pour emprunter des petits chemins empierrés qui m'emmènent dans les villages de Sainte-Suzanne, Lanneplaà, L'Hôpital d'Orion et Andrein. Les montées et descentes s'enchaînent et commencent à me peser dans les jambes. Sans églises pas de motifs photo. A noter tout de même qu'à Hôpital d'Orion il y a une église du 13e siècle avec des alentours bien aménagés. Maintenant les sentiers mènent souvent par des petites forêts, des sentiers creux et étroits, raides et glissants à la fois. A certains endroits on marche carrément dans la boue. A la fin du parcours je longe le Gave d'Oloron avec une superbe vue sur la cité de Sauveterre-de-Béarn. J'entends la cloche de l'église, un coup isolé chaque demi-minute. Il me faut encore grimper 175 escaliers avant d'arriver en plein centre-ville où une cérémonie d'enterrement ce déroule ce qui explique les coups de cloches sinistres. Alors, pas de visite de l'église Saint-André ! Je fonce donc directement vers mon hôtel qui n'est pas facile à trouver. Enfin, je le déniche juste à côté de la route nationale qui fait le contournement de la ville. Il me reste bien le temps pour m'occuper de mes affaires et faire une petite sieste. Nous ne sommes que 4 personnes à dîner au restaurant de l'hôtel ce soir. 3 randonneurs (pas de pèlerins) français qui font un bout du chemin de Compostelle dont un qui déplace leur voiture à chaque étape. Vincent de Bordeaux, Bernard du Lot et Garonne et Joël de Versailles, tous les 3 chefs d'entreprises se retrouvent chaque année pour quelques jours de randonnée. La patronne de l'hôtel « La Maison Navarre » a témoigné d'un goût exquis pour décorer les chambres ce qui se répète dans ses plats. Simple mais tellement bon.
11) De Sauveterre-de-Béarn à Ostabat 26 km
01 octobre : Après un petit-déjeuner plus que correct je prends congé des 3 copains randonneurs et de la dame de la maison. Vu l'emplacement de l'hôtel sur le contournement, je me trouve déjà du bon côté de la ville. Je quitte la petite ville d'un pas alerte par le pont sur le Gave d'Oloron puis celui du Saison. Je quitte aussi le Béarn pour entrer en Pays Basque. Routes de campagne et encore l'ancienne voie ferrée jusqu'à Saint-Palais, capitale de la Basse Navarre. La premiére ville basque me plaît et je reste à déjeuner sur l'une des nombreuses terrasses de la place. Bientôt j'arrive à la stèle de Gibraltar (rien à voir avec le Gibraltar en Andalousie) où se réunissent les 3 voies principales de pèlerinages vers Compostelle. Celle qui vient de Tours, celle de Puy-en-Velay et celle de Vézelay que j'ai empruntée. Fini la solitude tantôt bienfaisante, tantôt pesante. Je fais tout de suite connaissance de 2 femmes pélerines, des Allemandes, l'une de la région de Munich, l'autre d'Erlangen et d'un jeune homme, Axel, cuisinier du Westerwald. Ensemble nous montons vers la chapelle de Soyarza. Du haut du sommet un panorama époustouflant s'offre au pèlerin. Là-haut il y a encore d'autres pèlerins et je rencontre Christian, un pèlerin qui vient d'Aubières, près de Clermont-Ferrand dans l'Auvergne. Aubières est jumelée avec ma ville natale Grevenmacher (Luxembourg). Nous disposons donc d'une bonne base de discussion. Nous sommes maintenant une douzaine de pèlerins à foncer sur Ostabat, qui était à l'époque une étape importante sur le chemin. De nos jours le patelin a perdu son importance et s'est réduit en petit village. Au café « Ametzanea », une auberge typiquement basque, où l'on parle le basque, je me partage une chambre pour trois avec Christian. Nous laissons le lit du milieu inutilisé, peut-être qu'un pèlerin encore en route en aura besoin. La chambre grouille de mouches car le village est encerclé de pâturages de vaches. Le dîner est assez simple mais bon. Nous le prenons en compagnie de Chantale et Ronald, un couple québécois très sympa.
12) D'Ostabat à Saint-Jean-Pied-de-Port 21 km
02 octobre : Le petit déjeuner est aussi simple que le dîner la veille et c'est parti pour la dernière étape. Christian est apparemment un peu lent et grincheux les matins. Puisque je suis impatient comme toujours, il me propose de partir seul. II est sûr de me rattraper plus tard, ce qui n'est pas le cas. Je marche tout seul alors. J'aime bien marcher seul (Christian peut-être aussi ?), mais hier je m'étais bien habitué à la bonne compagnie. Bien que j'appréciais la présence de Christian et des autres hier, c'est ma dernière étape et je veux la finir en solitude. Il fait très beau ce matin, un légèr brume, le calme absolu et un chemin agréable dans un décor merveilleux. Je ne fais aucune pause, tellement j'ai hâte d'arriver avant midi. L'entrée dans Saint-Jean-Pied-de-Port se fait par la Porte Saint-Jacques qui est le passage obligatoire et qui marque la fin du chemin. Je me rends de suite au bureau d'accueil pour pèlerins pour recevoir le dernier tampon dans mon crédencial. Maintenant je ne me sens plus pèlerin mais simple et banal touriste. Drôle de sentiment que d'avoir (conclue une mission) abouti un pèlerinage une bonne fois pour toutes. Une certaine tristesse s'installe dans ma tête. Après un bon repas bien mérité je me déplace à la gare pour prendre le bus et puis le train pour Bayonne. Juste avant de partir, Christian arrive aussi et vient vers moi comme par hasard. Nous échangeons nos adresses respectives et nous faisons nos adieux.
Journée de repos à Bayonne
03 octobre : Aujourd'hui je peux me permettre de me lever un peu plus tard et d'apprécier mon petit déjeuner sur la terrasse sous les arcades de mon hôtel « Port Neuf ». Avant midi je fais encore quelques achats, surtout un T-shirt parce que j'ai la forte impression que je pue. Bien que j'ai lavé mes affaires tous les jours, elles n'avaient jamais vraiment l'occasion de sécher avant de les remettre à nouveau et ça sent le moisi. C'est le jour de marché à la Brocante et il y a beaucoup de gens dans la vieille ville autour de la Nive. A midi je m'offre un dernier déjeuner sur le quai de la Nive au restaurant « La Grange ». L'après-midi je fais encore une sieste, en fait je m'ennuie. Je me prépare déjà pour demain, car le bus pour l'aéroport partira déjà à 7 heures.